« (..) il serait souhaitable que les hommes d'État apprennent un peu d'histoire afin de comprendre qu'aucun système impliquant le contrôle de la société par des hommes avides de privilèges ne s'est jamais terminé autrement que par la chute. »
L'histoire de William E. Dodd et de sa famille, premier ambassadeur américain en Allemagne nazie.
Une lecture fascinante s'appuyant sur un remarquable travail documentaire. Erik Larson a effectué une recherche rigoureuse, minutieuse, épatante. Il nous livre un documentaire riche et passionnant sur cette Allemagne d'avant-guerre méconnue du grand public.
L'auteur démontre à quel point la persécution des juifs était déjà vive et ancrée en 1933. Les camps de concentration se sont ouverts cette année-là. Des femmes allemandes étaient tondues par la foule en liesse pour être fiancées à des juifs. Le peuple vivait dans un climat de dénonciation constant. Les juifs n'avaient pas le droit d'exercer des métiers de fonctionnaires (avocats, médecins y compris). Sans oublier la fameuse « Nuit des longs couteaux », purge aléatoire dont le nombre de victimes reste inconnu à ce jour.
Les pages se tournent avec curiosité, l'Histoire se confond avec le polar, il faut parfois se rappeler que la lecture transmet des faits réels. Le mécanisme du régime de la terreur y est très bien décrit. On s'interroge devant la passivité du monde, est-ce qu'aujourd'hui de tels actes seraient admissibles ? Certainement pas de la part d'une grande puissance comme l'Allemagne mais l'Histoire nous démontre quotidiennement qu'elle se répète dans des nations où les libertés sont remises en cause ou pire, ne sont toujours pas acquises.
Mon seul regret : la difficulté de l'auteur à choisir et trier les informations données à ses lecteurs. Je me suis trop souvent sentie écrasée par le nombre de détails. Peu m'importe, par exemple, de savoir que William E. Dodd conservait son café dans une boîte en fer. Si la lecture est laborieuse, je ne la regrette pas. J'ai fait de nombreux parallèles avec notre société actuelle et suis reconnaissante à Erik Larson de m'avoir fait découvrir un autre pan le l'Histoire de l'Allemagne et du monde.
Extrait
« L'indicateur le plus visible de la mise au pas fut l'apparition brutale du salut hitlérien, ou "Hitlergruss". Il était suffisamment inédit aux yeux du monde extérieur pour que le consul général lui consacre une dépêche entière en date du 8 août 1933. Le salut, écrit-il, n'avait aucun antécédent moderne, à l'exception du salut des soldats en présence d'un officier supérieur, plus conventionnel. Ce qui distinguait particulièrement cette pratique, c'était que tout le monde était censé saluer, même dans les rencontres les plus banales. Les boutiquiers saluaient leurs clients. Il était exigé des enfants qu'ils saluent leurs maîtres plusieurs fois par jour. A la fin des représentations théâtrales, un rituel récent exigeait du public qu'il se lève et salue en chantant d'abord l'hymne national, puis l'hymne des SA (...). Le public allemand pratiquait le salut avec tant d'empressement que sa répétition incessante le rendait presque comique, surtout dans les couloirs des bâtiments publics où tout le monde, du plus humble messager au plus haut fonctionnaire, se saluait en criant "Heil Hitler", transformant la moindre escapade aux toilettes en une expédition épuisante. »
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