Laurent et Laurent

Publié le 13 avril 2013 par Desfraises
Certains ont une boîte à chaussures où ils réunissent leurs souvenirs. Pour ma part, ce blog fait office de vaste boîte à chaussures ouverte sur le monde, où je consigne mes trésors, mes rencontres furtives, riches, étonnantes. Par de drôles de hasards, je retrouve un billet que j'avais publié puis effacé. On se remémore parfois un moment de bonheur pour se réchauffer, s'alimenter d'un instant précieux pour empêcher la grisaille ou la détresse qui s'installe en soi, en catimini. Je m'offre aujourd'hui, je vous offre ce moment. C'était en 2006.

Voici quatre ans que Laurent et moi utilisions les moyens modernes de communication : chat, webcam mais aussi le téléphone et le courrier. Quatre ans que les continents nous séparaient. Ni lui ni moi n’étions encore prêt à sauter dans le grand bain d’une relation. J’ai lu son profil, j’y ai "vu" quelqu’un de sensible, honnête et… formidable. Au fil des conversations, nous nous trouvions de troublants points communs, découvrions l’univers de l’autre, par le truchement de la webcam. Quand il y a un an, quelqu’un est entré dans ma vie, il a patienté, remis son voyage en France à plus tard, ne m’a pas confié son désarroi ni son impatience.
« Jeudi 7 septembre 2006, je me réveille dans les bras de Laurent ». Voilà ce qu’il avait écrit sur son agenda moleskine.
Pendant que je conduisais, de retour de mes vacances studieuses dans le sud-ouest, lui traversait les océans. Mes 700 kilomètres faisaient pâle figure à côté des 17 000 qui nous séparent, qui séparent Paris de Melbourne.
Le 6/09/2006, je me trompe de terminal d’aéroport, nous nous attendons à deux endroits différents. Quand une heure plus tard, nous parvenons enfin à nous rencontrer, après ces quatre années de virtuel, c’est le choc, pour lui comme pour moi. D’aucuns appelleraient ça le coup de foudre. Nous ne savions pas que le sort nous réservait d’aussi belles surprises. Jamais je n’aurais cru… je ne pensais pas que… ça m’est tombé dessus et j’en suis encore estomaqué.
Il vit dans un grand appartement dans un pays démesuré et le voilà coincé pendant un mois dans mon vingt mètres carré. Nous nous construisons un quotidien, fait de petites habitudes et de virées extraordinaires, de promenades dans les bois et sous la tour Eiffel qui scintille. J’ouvre des portes cochères interdites, je l’emmène à l’Opéra Garnier, veux absolument lui montrer ce somptueux plafond de Chagall et trompe la vigilance des sentinelles qui empêchaient ce jour-là l’accès à la salle. Une nuit à contempler Paris du haut des marches de Montmartre. Une après-midi à observer les pensionnaires du zoo de Vincennes (Suricates, hippopotames, girafes et loup blanc). La fausse cascade et la vraie splendeur du Parc des Buttes-Chaumont.
Mes amis l’accueillent à bras ouverts. Il apprivoise ma "niche" de vingt mètres carré. Nous nous réveillons dans les bras l’un de l’autre et le monde nous appartient. Un sourire, un éclat de rire de lui et je fonds.
Chacun chez soi depuis un mois. Le passage à l’heure d’hiver nous décalent de deux heures. Quand il se lève, je me couche. Quand je me couche, il se lève. Il est 22h22. Dans 8 minutes, je l’appelle et le réveille pour lui dire que je l’aime.