Résistance Inventerre
Le deuxième régime de protection sociale en France, celui des professions agricoles, a plombé ses comptes avec des loyers exorbitants et voulait, en plus, payer à ses cadres un beau voyage en Espagne…
Ces jours-ci, ils auraient dû se retrouver dans la douceur du climat espagnol, loin de froidure parisienne et du train-train quotidien. Objet du séminaire : l’analyse de « l’évolution de la protection sociale espagnole dans un contexte de crise« . Sûr qu’au bord d’une piscine accueillante, les doigts de pied en éventail, l’analyse aurait été fort concluante…
Mais le ministère de l’Agriculture a mis le holà au projet des responsables de la Caisse centrale de la Mutualité sociale agricole (CCMSA), l’organisme central du deuxième régime de protection sociale en France, chargé des professions agricoles. Une bonne centaine d’entre-eux devaient tout de même faire le déplacement ! dans une lettre adressée au président de la CCMSA, datée du 18 octobre 2012 et dénichée par Charlie, le représentant du ministère s’inquiète – à juste titre – de ce séminaire au soleil. « Organiser un voyage de cette importance [...] ne manquerait pas de soulever des interrogations et d’avoir un impact négatif, d’une part auprès des corps de contrôle de l’État, d’autre part auprès des salariés de l’institution auxquels des efforts sont demandés en termes d’effectifs et de rémunération et enfin, auprès des médias. » Raté pour les médias. Charlie a été prévenu en temps et en heure. Quant au directeur des affaires financières du secrétariat général du ministère, Christian Ligeard, il a opposé un niet ironique – ainsi qu’un « refus d’approbation » formel valant annulation de la décision de la MSA -, suggérant plutôt que le séminaire se tienne « en France métropolitaine » ainsi que « l’invitation de quelques experts espagnols au fait de ces questions ». Et de conclure que « la Caisse centrale pourrait ainsi consolider son image de marque en tant que régime de protection sociale exemplaire« …
Prestations immobilières
Exemplaire, vraiment ? Avec ses 35 caisses régionales et ses 17 000 salariés, servant des prestations à quelque 5,6 millions de personnes par an, la MSA ressemblerait presque à un État dans l’État de la protection sociale – un îlot de tranquillité dans un pays en crise, loin de toute contrainte budgétaire. mais la réalité des faits ressemble peu à ce tableau idyllique. Comme l’a soulevé la CGT en novembre dernier à propos des dirigeants de la MSA et des élus du personnel, « la protection sociale et le devenir du régime sont très éloignés de leurs soucis ».
A vrai dire, on voit que l’immobilier a occupé pas mal ces messieurs ces derniers temps. il faut dire que les comptes supportent une charge 34,4 millions d’euros, comme le révèle le document déniché par Charlie, correspondant au bail de l’immeuble les Mercuriales, à Bagnolet, le siège de la Mutualité depuis l’année 2000. Si les loyers des bureaux sont modiques, les patrons de la MSA ont signé en prenant possession des lieux en mars 2000 une clause les engageant financièrement pour la somme de 34,4 millions d’euros, qu’ils partent ou qu’ils restent dans l’immeuble. La crise aidant, la MSA s’est dit qu’il valait mieux tenter d’acheter la fameuse tour au proprio, Bruno Ledoux, patron du groupe Colbert-Orco et par ailleurs actionnaire de Libération, une opération économiquement valable compte tenu du bas niveau des taux d’emprunt. Mais, avant que l’acte d’achat soit signé, de l’eau risque de couler sous les ponts. « Ils sont très secrets et ont des procédures très lourdes« , signale un observateur du dossier.
L’Espagne, l’immobilier, autant de sujets tabous à la Mutualité sociale agricole, où une chargée de communication nous explique qu’il s’agit de « dossiers et discussions concernant la MSA et le ministère de tutelle » et : « De ce fait, nous ne pouvons faire de commentaires d’autant que l’un des dossiers est en cours. » Les assurés seront ravis de la savoir.
Bref, pour que la croisière s’amuse tranquillement, il faudrait peut-être renflouer les caisses avant…
Source: Résistance Inventerre