Ce soir pendant une heure volée, et du haut du balcon vertigineux de l’Espace Michel Simon à Noisy-le-Grand, nous avons été suspendus au rythme des cygnes. C’est en silence que la salle progressivement s’est éteinte après le discours introduction du chorégraphe Luc Petton, et qu’il a fallu être silencieux par respect pour les animaux. La salle est plongée dans l’obscurité comme pour dissuader les oiseaux de s’envoler.
Imprévisibles, les cygnes évoluent en effet dans les trois éléments : l’eau, la terre et l’air. Nous commençons par voir un étrange ballet, dans un bassin rond et transparent, un cygne noir et une danseuse. L’eau est aussi présente par une rivière qui parcourt tout le fond de scène, elle évoque le passage et la fluidité.
Les danseuses adaptent leurs gestes, elles se mettent au service des animaux. Elles évoluent lentement et leur langage corporel se confond avec celui des cygnes progressivement. Si au début nous nous attachons à l’examen de leurs gestes : leur démarche pataude, leur plié, leur battements de bras, le dévissé de leur cou, ou l’articulation décortiquée de leurs jambes jusqu’à leur pied.
Plus le spectacle avance et plus nous comprenons que cette gestuelle semblable à celle des cygnes. Et pour cause, entre les oiseaux et les danseuses, il s’agit d’un véritable travail d’apprivoisement. Les danseuses ont assisté à la naissance des cygnes, elles ont passé du temps avec eux. Dans le numéro qui est présenté, elles ont pataugé avec eux, elles les ont pris dans leur bras, elles ont laissé le temps à l’apprivoisement, pour une chorégraphie qui semble aussi dépendre beaucoup du bon vouloir des animaux. Le ballet ressemble davantage à une démonstration de cette étroite relation entre la danseuse et le cygne. Toujours attentive à l’animal, celle-ci l’appâte avec des graines, le cygne les cherche dans ses doigts, dans ses mains, mais elle se pare aussi contre les coups de bec. La prestation des danseuses est incroyable, tant dans leur imitation de la gestuelle de l’animal, fruit d’une longue observation, que dans l’encadrement des cygnes. En apparence libres sur la scène, ils sont appelés et rassemblés en douceur mais ils restent libres de leur réactions. Les danseuses doivent veiller au bon déroulement du numéro.
Le cygne est aussi le symbole de l’ambivalence. Ainsi tout dans leur corps mise sur l’animalité, l’instinct, mais aussi la sensualité.
Cette dimension s’exprime réellement lorsque les 4 cygnes font leur entrée face aux danseuses, et lorsque leurs mouvements de concert apparaissent subitement comme une évidence. On confond les femmes et les oiseaux, et ils entament ensemble des numéros en petits groupes, les cous des cygnes se déploient, se tendent et vont chercher du bec la nuque de la danseuse, ou mieux encore l’animal grimpe sur le corps de la danseuse allongée, pour loger sa tête dans son cou. Celle-ci l’imite, ondule de la tête, cherche le contact, déploie son pied au dessus des animaux. Dans cette variation de groupe, les filles et les cygnes dessinent des ensembles cohérents et se marient parfaitement.
Et tout d’un coup la pluie vient surprendre le ballet, le public et change la gestuelle. Les animaux et les danseuses se baignent dans les flaques laissées sur la scène ou tournoient sur eux-mêmes. Dans un dernier mouvement d’ébrouement, elles marquent la fin du spectacle, le silence est rompu par des applaudissements qui fusent dans tous les sens. Elles salueront tandis qu’on attendait presque aussi le salut des cygnes.
Un moment rare…
A suivre :
Luc Petton et Cie