Lou, quatorze ans, ne connaît pas son grand-père. Ce dernier a été placé dans une maison de retraite, car il ne pouvait plus vivre seul depuis la mort de son épouse, mais ce choix de vie n'était pas de son goût puisqu'il vient de disparaître. Il a pris la route, à 80 ans, et sa fille est sens dessus dessous.
Lou comprend que les réactions intempestives de sa maman sont liées à son enfance délavée de tendresse, puis marquée par son divorce, c'est désormais une femme en colère, qui n'entend pas recevoir une psychanalyse de la part de son adolescente de fille ! Lou serait en pleine crise ? Allons donc, elle décide avec sa copine Najette de prendre la poudre d'escampette, sous couvert de retrouver elles-mêmes le grand-père en vadrouille.
Et le roman de nous proposer un joli portrait croisé des deux bouts de la chaîne : Lou, et ses premières fois, curieuse, soucieuse, pleine d'interrogations, un peu à la découverte de son moi profond, et son grand-père, au crépuscule de sa vie, avec son lot de dernières fois, ses trouilles, son amertume, son refus d'être parqué dans un mouroir et sa ferme intention de choisir où et quand il passera l'arme à gauche.
En chemin, Lou et Najette vont apprendre à se parler et s'apprécier (ce sont leurs mères qui sont copines à la base), mettre à plat des idées reçues, partager leurs rêves, leurs espoirs et leurs histoires de famille aussi. On assiste à la naissance d'une très belle amitié, en plus de percer les travers de l'adolescence, l'heure de tous les drames et autres remises en question permanentes. C'est amené en douceur, finement, sobrement, avec une note de poésie tellement appréciable. Même les interludes avec le grand-père sont extrêmement touchants. Souvent, ça a trouvé un petit écho en moi ...
J'ai terminé mon livre en soupirant bien fort, signe que j'ai passé un très bon moment et qu'il faut désormais que ma fille le partage à son tour !
Une histoire à vieillir debout, par Carole Prieur
Oskar éditeur, 2012 - illustration de couverture : Jérôme Meyer-Bisch
Moi, j'avais le cerveau qui bouillonnait de mille idées. J'avais envie de connaissances ! Oui, tout à coup, allongée sous un bosquet, dans un pull en laine, j'ai eu une bouffée de vie, une grande bouffée de vie : j'ai tout l'avenir devant moi, à moi de décider ce que je vais en faire ! Quelle liberté tout à coup ! Comment dormir avec cette pulsion-là, avec tous ces possibles qui naissaient en moi ! Il est possible de choisir, il est possible de fuguer, il est possible de se débrouiller seule, il est possible d'aimer ses parents loin d'eux, il est possible d'avoir de bons souvenirs... Ces nouvelles sensations ne pouvaient me pousser qu'à l'insomnie ! Y a urgence à vivre, il faut la bouffer, la vie, il faut en profiter au maximum, donc ne pas dormir, respirer le bon air frais de cette nuit à la belle étoile. Ecouter tous les bruits partout autour. Sentir que chaque partie de son corps est là, prête à bouger, à toucher, à vivre de nouvelles aventures. Mon corps est prêt, je suis prête, je suis en VIE ! Waouh, quelle ivresse !