Manuel Vázquez Montalbán est sans doute, aujourd'hui, l'écrivain espagnol le plus populaire dans le monde. Il doit essentiellement cette popularité à son personnage de «privé» atypique, Pepe Carvalho, qui apparaît dans beaucoup de ses romans. Ce détective possède bien des points communs avec son créateur : Barcelonais, son passé épouse un itinéraire très politisé et il adore la bonne cuisine. Ses aventures sont d'ailleurs émaillées de conseils culinaires dont on vient, sur base d'une anthologie complétée de vraies recettes, de faire un livre: Les Recettes de Carvalho. Son dernier roman, en revanche, n'a rien à voir avec Carvalho: L'étrangleur est le double journal d'Albert Cerrato, qui s'assimile à Albert DeSalvo, l'étrangleur de Boston, et revendique trente-sept crimes. Il donne une première version de son existence et de ses confrontations avec ceux qui le gardent ou le soignent, puis déconstruit cette histoire en retrouvant ses victimes présumées. Un livre d'une intelligence et d'une culture folles, qui donne du plaisir à chaque instant. Faites-vous la cuisine? Oui, souvent, presque tous les jours. Et avez-vous réalisé toutes les recettes de Pepe Carvalho? Presque toutes. J'aime beaucoup expérimenter la cuisine, pas seulement parce que j'en suis un amateur, mais aussi pour une question de survie, parce que ma femme ne cuisine pas. Alors, la seule possibilité de manger avec quelque dignité, c'est de le faire moi-même. Vous avez de la cuisine une vision culturelle, comme vous l'expliquez dans ce livre... Oui. Presque tout est culturel, et pas seulement la cuisine. Mais la cuisine est l'unique possibilité culturelle de justifier l'opération de tuer. On tue des animaux, des végétaux pour manger, et la dignification de ce procédé passe par la cuisine. L'opération finale, c'est la survivance: manger pour survivre. Votre personnage, Pepe Carvalho, ne se pose pas tant de questions. Il mange par plaisir, non? En effet. Carvalho n'est qu'un personnage littéraire. Il mange aussi de manière névrotique, parce qu'il choisit sa cuisine en fonction de ses difficultés, dans la logique du roman. Mais, pour moi, faire la cuisine, c'est aussi une relaxation. Chez Carvalho, je crois qu'il y a un rapport avec la forme métissée des romans. Ce sont des polars, mais pas seulement: ce sont des polars métis. Et le rapport entre littérature et cuisine est aussi un métissage. C'est pour cela que, dans les romans de Carvalho, je décris des recettes, pour dire au lecteur: vous êtes en train de lire un roman, mais ce n'est pas seulement un roman. Y a-t-il quelque chose de commun entre la façon dont mange Carvalho en fonction de ses enquêtes et, par exemple, celle dont boit et mange Maigret dans les romans de Simenon? Oui, Maigret est fasciné par la cuisine de sa femme - c'est une cuisine ancienne qui date d'avant les surgelés. Mais c'est vrai, c'est la cuisine presque comme référent de la mémoire, du présent, du futur - parce qu'il pense que le poisson va arriver à ce moment, les pommes de terre à tel autre, etc. C'est une possibilité d'établir des rapports avec le temps.
Manuel Vázquez Montalbán est sans doute, aujourd'hui, l'écrivain espagnol le plus populaire dans le monde. Il doit essentiellement cette popularité à son personnage de «privé» atypique, Pepe Carvalho, qui apparaît dans beaucoup de ses romans. Ce détective possède bien des points communs avec son créateur : Barcelonais, son passé épouse un itinéraire très politisé et il adore la bonne cuisine. Ses aventures sont d'ailleurs émaillées de conseils culinaires dont on vient, sur base d'une anthologie complétée de vraies recettes, de faire un livre: Les Recettes de Carvalho. Son dernier roman, en revanche, n'a rien à voir avec Carvalho: L'étrangleur est le double journal d'Albert Cerrato, qui s'assimile à Albert DeSalvo, l'étrangleur de Boston, et revendique trente-sept crimes. Il donne une première version de son existence et de ses confrontations avec ceux qui le gardent ou le soignent, puis déconstruit cette histoire en retrouvant ses victimes présumées. Un livre d'une intelligence et d'une culture folles, qui donne du plaisir à chaque instant. Faites-vous la cuisine? Oui, souvent, presque tous les jours. Et avez-vous réalisé toutes les recettes de Pepe Carvalho? Presque toutes. J'aime beaucoup expérimenter la cuisine, pas seulement parce que j'en suis un amateur, mais aussi pour une question de survie, parce que ma femme ne cuisine pas. Alors, la seule possibilité de manger avec quelque dignité, c'est de le faire moi-même. Vous avez de la cuisine une vision culturelle, comme vous l'expliquez dans ce livre... Oui. Presque tout est culturel, et pas seulement la cuisine. Mais la cuisine est l'unique possibilité culturelle de justifier l'opération de tuer. On tue des animaux, des végétaux pour manger, et la dignification de ce procédé passe par la cuisine. L'opération finale, c'est la survivance: manger pour survivre. Votre personnage, Pepe Carvalho, ne se pose pas tant de questions. Il mange par plaisir, non? En effet. Carvalho n'est qu'un personnage littéraire. Il mange aussi de manière névrotique, parce qu'il choisit sa cuisine en fonction de ses difficultés, dans la logique du roman. Mais, pour moi, faire la cuisine, c'est aussi une relaxation. Chez Carvalho, je crois qu'il y a un rapport avec la forme métissée des romans. Ce sont des polars, mais pas seulement: ce sont des polars métis. Et le rapport entre littérature et cuisine est aussi un métissage. C'est pour cela que, dans les romans de Carvalho, je décris des recettes, pour dire au lecteur: vous êtes en train de lire un roman, mais ce n'est pas seulement un roman. Y a-t-il quelque chose de commun entre la façon dont mange Carvalho en fonction de ses enquêtes et, par exemple, celle dont boit et mange Maigret dans les romans de Simenon? Oui, Maigret est fasciné par la cuisine de sa femme - c'est une cuisine ancienne qui date d'avant les surgelés. Mais c'est vrai, c'est la cuisine presque comme référent de la mémoire, du présent, du futur - parce qu'il pense que le poisson va arriver à ce moment, les pommes de terre à tel autre, etc. C'est une possibilité d'établir des rapports avec le temps.