C’est une affaire entre Canadiens : la compagnie régionale Porter Airlines commande douze biréacteurs Bombardier C.Series et signe des options sur dix-huit exemplaires supplémentaires. C’est un coup de pouce bienvenu pour le programme dont le démarrage est considéré comme plus lent que souhaité : 148 commandes ŕ ce jour, 382 exemplaires placés, au total, en tenant compte d’intentions qui ne sont pas encore devenues des commandes ŕ part entičre.
Pourquoi s’agit-il d’un dossier purement canadien ? Parce que Porter Airlines est basée ŕ Billy Bishop Airport, ŕ proximité immédiate de Toronto. Par ailleurs, l’arbre généalogique de Bombardier accorde une grande place ŕ Downsview, autre banlieue de Toronto, qui fut le sičge de la société de Havilland Aircraft of Canada, son ancętre anglais, haut-lieu historique oů naquirent notamment les Otter et Twin Otter, puis la lignée des Dash 7 et 8. Qui plus est, la flotte actuelle de Porter est exclusivement constituée de Q400, appellation actuelle des versions les plus récentes du Dash 8. L’avionneur et son client sont donc amenés ŕ travailler en famille.
La base opérationnelle de Porter, Billy Bishop Toronto City Airport, constitue un cas exemplaire, une facette typique de l’aviation régionale nord-américaine. Son réseau est en effet constitué de lignes trčs courtes, les destinations les plus lointaines étant situées aux Etats-Unis, notamment Washington et Chicago. Le Q400 se contente de pistes courtes, ce qui n’est pas tout ŕ fait le cas du C.Series. D’oů l’amorce d’un débat local qui s’annonce difficile : Robert Deluce, patron de Porter, demande un allongement de piste pour permettre la mise en œuvre du C.Series, ce qui est loin d’ętre acquis. Les environnementalistes veillent, lŕ comme ailleurs. On notera au passage que cet aéroport urbain porte le nom d’une gloire nationale, William Avery ŤBillyť Bishop (1894-1956), as de la Grande Guerre crédité de 72 victoires.
Le contrat Porter rappelle ce qu’est la cible commerciale principale du C.Series, celle de compagnies qui vont exploiter des modules de 110 ŕ 130 places, plus performants (et notamment pus légers) que les versions les plus courtes des avions des familles A320 et 737. C’est sur ce créneau que l’avion canadien doit logiquement réussir sa percée, bien plus que sur le marché des 140-160 places, situé ŕ la limite de la zone d’action d’Airbus et Boeing.
Porter rappelle aussi, en tant que compagnie régionale, qu’elle exerce un métier difficile. Elle transporte deux millions et demi de passagers par an en se contentant d’un coefficient moyen d’occupation inférieur ŕ 65%. Cela, semble-t-il, pour cause d’équilibre difficile entre les fréquences soutenues exigées par une clientčle d’affaires et la gestion au plus juste de la capacité offerte.
Passer du biturbopropulseur au biréacteur constitue de ce fait un pari audacieux, d’autant plus que le C.Series est un avion de capacité sensiblement supérieure ŕ celle du Q400. D’oů l’intéręt que soulčve la maničre de procéder de Porter, peut-ętre amenée ŕ devenir un cas d’école.
Le C.Series effectuera prochainement son premier vol, les derniers préparatifs sont en cours, le premier avion vient d’ętre mis sous tension. Il ratera de peu le rendez-vous du salon du Bourget mais, bien sűr, ce n’est pas lŕ une préoccupation majeure pour l’avionneur canadien. L’essentiel est évidemment de mieux garnir le carnet de commandes et de réussir un pari pour le moins audacieux.
Pierre Sparaco-AeroMorning