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Margaret Thatcher : un train peut en cacher un autre

Publié le 11 avril 2013 par Sylvainrakotoarison

Hommages polis et réactions épidermiques à la mort du symbole …du "thatchérisme".

yartiThatcher01La disparition de Margaret Thatcher à 87 ans le lundi 8 avril 2013 à Londres a suscité beaucoup de réactions non seulement en Grande-Bretagne mais aussi dans le reste de l’Europe et dans le monde entier.

L’unique femme Premier Ministre du Royaume-Uni du 4 mai 1979 au 28 novembre 1990 a été l’un des symboles politiques marquants des années 1980. Un symbole clivant, qui a baigné dans une très forte impopularité (parfois, seulement 19% de confiance !) mais qui a dû relever une situation économique et financière désastreuse à la fin des années 1970 (l’État britannique dépensait 60% du PIB, ce qui était nettement supérieur à la France de l’époque mais pas très éloigné de celle d’aujourd’hui).

Personne en Grande-Bretagne, et en particulier aucun de ses opposants de l’époque, revenus au pouvoir avec Tony Blair, n’a remis en cause ses grandes réformes. Elles n’ont pas été forcément très heureuses, elles ont fait des dégâts dans les services publics (électricité, chemin de fer etc.) et ont provoqué aussi des dégâts sociaux (mines de charbon) et politique (IRA), mais elles ont permis au pays de redevenir un leader économique au début des années 1990.

Avec plus de vingt ans de distance, l’action de Margaret Thatcher est maintenant revue à la hausse dans les analyses. Certes, révoltée par la perte d’influence des syndicats, l’ultra-gauche continuera toujours, comme il y a trente ans, à brandir Margaret Thatcher aux côtés du Président américain Ronald Reagan (1981-1989) comme une effigie de l’ultralibéralisme.
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On pourra aussi toujours regretter sa méthode autoritaire de gouverner, sa brutalité dans ses décisions, mais on pourra aussi louer une vision claire de sa politique, peu influençable une fois les décisions prises (en ce sens, elle fait partie des grands de ce monde, à l’égale des Churchill ou des De Gaulle, j’ajouterai aussi des Helmut Kohl), elle a montré de la perspicacité et de l’efficacité.

Elle a été, en ce sens, le contraire des faux durs comme Alain Juppé (1995-1997) et Nicolas Sarkozy (2007-2012) qui, bien qu’inflexibles dans leur méthode de gouvernement, n’ont jamais été au fond de leur logique, au point, parfois, d’avoir laissé une vision pas très lisible, et aussi, mais c’est plus évident, le contraire des vrais mous comme Édouard Balladur (1993-1995) et François Hollande (depuis 2012), qui ne veulent ou n’ont jamais voulu froisser ni leur électorat ni leur opinion publique, ce qui aboutit souvent à de l’indécision.
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Margaret Thatcher, au contraire, refusait la culture du consensus, considérant que rien ne pouvait avancer avec ce simple plus petit commun multiplicateur. Elle était partisane de la notion d’impopularité nécessaire, ce qu’avait presque théorisé plus tard le premier Premier Ministre de la Fédération de Russie en 1992, Egor Gaïdar (1956-2009), auteur de la libéralisation de l’économie russe, par cette formule désabusée : « Si tu fais des réformes et que tu attends des remerciements, c’est que tu ne comprends pas comment le monde est organisé. ».

Et c’est justement, à mon sens, l’une des contributions majeures de la "Dame de fer" (comme on l’a si souvent appelée) : Margaret Thatcher avait cru dès 1985 en la sincérité de Mikhaïl Gorbatchev lors de son arrivée au pouvoir. Ce dernier lui a d’ailleurs rendu un hommage à la mesure de cette confiance qui s’était tissée au fil des premières rencontres. On était alors très loin de la pensée passéiste du Président François Mitterrand, prêt, quelques années plus tard (en août 1991), à reconnaître les médiocres putschistes du Kremlin. Par son influence, la Grande-Bretagne a permis la réunification sans effusion de sang de l’Allemagne, acceptée par la France en échange de Maastricht.
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Allons sur le terrain européen. Évidemment, un ardent partisan de la construction européenne ne peut que regretter l’attitude inutilement agressive de Margaret Thatcher, initiant durant les sommets européens les discussions de marchands de tapis (son père était épicier !) qu’on a retrouvées lors du Sommet européen de Bruxelles du 8 février 2013 pour définir le budget de l’Union Européenne pour 2014-2020.

Alors, si Margaret Thatcher a freiné la marche européenne, elle a assaini (d’une manière certes brutale) l’économie britannique, sans se préoccuper de sa propre image dans l’opinion publique, uniquement soucieuse d’atteindre les buts qu’elle s’était fixés. Cela ne l’a pas empêché d’ailleurs d’être réélue deux fois et de ne tomber pas par le peuple mais par ses propres amis du parti conservateur. Elle n’hésita pas à redonner aux Britanniques leur dignité nationale en repoussant des Malouines les dictateurs de la junte militaire argentine.
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En France, la nouvelle a été accueillie soit de manière polie (par exemple, Jean-Pierre Raffarin et Jean-Marc Ayrault), soit de manière fantaisiste et haineuse, Jean-Luc Mélenchon évoquant même l’enfer pour elle (croit-il autant qu’il le dit à l’enfer ?).

Les médias sont donc allés interroger de vieux "dinosaures", acteurs de la politique de l’époque, en particulier l’ancien Président de la République Valéry Giscard d’Estaing (1974-1981), né trois mois après elle, ou encore, l’ancien Premier Ministre socialiste Pierre Mauroy, au visage vieilli depuis un an, avec des moustaches blanches qui pourraient lui donner des airs de Clemenceau.
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Tous ont reconnu la femme d’État qui vient de s’éteindre mais ont aussi avoué la difficulté de négocier avec elle, sa rudesse et son inflexibilité. Même l’ancien Président Jacques Chirac est sorti de son silence pour saluer la personnalité qu’il avait particulièrement détestée dans les sommets européens quand il était Premier Ministre en 1986 et 1988.

Un train de réformes peut cacher un autre train de réformes.

Ou pas : François Hollande devrait méditer l’exemple de gouvernance de Margaret Thatcher. Avoir une vision, s’y tenir et recueillir les fruits. Quitte à rester impopulaire.

Pour l’instant, en France, il n’y a toujours pas de vision, mais déjà l’impopularité (70% de mécontents !). Ceci explique peut-être cela. Il s’agit maintenant de réagir…

Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (10 avril 2013)
http://www.rakotoarison.eu

Pour aller plus loin :
Valéry Giscard d’Estaing.
François Mitterrand.
Jacques Chirac.
Le budget européen.

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http://www.agoravox.fr/actualites/politique/article/margaret-thatcher-un-train-peut-en-133974


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