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Et oui, je suis adepte du grand écart musical : peu de gens plaçeraient aux deux premières places de ses albums préférés de 1992, Pavement et les Innocents. Car la manière d'aborder la musique diffère complètement entre la guitare voluptueuse d'un JP Nataf et celle plus téméraire du non moins indispensable Stephen Malkmus. L'un privilégie plutôt une pop soignée, perfectionniste, agréable à l'oreille. L'autre est plutôt du genre à faire semblant de bâcler l'affaire, bazardant ses jolies mélodies sous un magma sonore flirtant avec l'amateurisme. L'un est rapidement devenu le porte-drapeau du rock indépendant américain des années 90, la coolitude comme paravent; l'autre, taxé d'être trop mainstream au sein des Innocents, devient petit à petit lui aussi une référence dans son domaine, celui de la chanson française haut de gamme. Le reste de mon classement ? Denim, le nouveau groupe du légendaire Lawrence, chanteur des défunts Felt, qui nous embarquait dans une pop plus enjouée et premier degré mais pas moins savoureuse. REM, fort du succès international de "Losing My Religion", plantait ce qui reste pour beaucoup leur chef d'oeuvre. Un aimable groupe de pop irlandais, produit par Edwyn Collins, balançait un charmant disque sous haute influence Smiths, le cynisme en moins. De son côté, Morrissey, malgré des guitares nettement moins digestes et un appétit assumé pour la gonflette (cf. la pochette de "Your Arsenal"), montrait qu'il en avait encore sous la pédale et un titre comme "The National Front Disco" portait déjà à polémique. Pulp s'avançait lentement mais sûrement vers le succès, abandonnant un poil le minimalisme des débuts. Un nouveau venu chez nous, empoignait le genre, avec un premier disque, "La Fossette", devenu mythique, et une chanson, "Le courage des oiseaux", comme un hymne au temps qui passe. Alors que l'australien Nick Cave continuait à enchaîner les disques exemplaires, une petite cousine anglaise, PJ Harvey, pointait son petit minois. Pour être sec, son rock l'était. Déjà impressionnante dans son absence de compromissions.
10- Morrissey - Your Arsenal
"Your Arsenal" n'est pas le meilleur disque solo de l'ex-chanteur des Smiths. Il faut passer les deux premiers titres un peu pompeux et lourdingues, mais la suite contient son lot de chansons marquantes, qui auraient encore gagné avec la guitare de Marr. A noter, la production de Mick Ronson, l'ex-acolyte de Bowie au sein des Spiders From Mars. Comme quoi, entre Bowie et Morrissey, c'est une longue histoire...
9- Nick Cave & The Bad Seeds - Henry's Dream Et si "Henry's Dream" était le meilleur disque de Nick Cave et des mauvaises graines ? Ce n'est pourtant pas l'avis de leurs auteurs. Déçus par la production, ils enchaîneront rapidement avec un album live des mêmes chansons. Car, peu importe leur mise en forme, la réussite de ce disque est bien là : de grandes chansons.
8- PJ Harvey - Dry Sur ce premier disque, l'anglaise Polly Jean Harvey semble avoir mis toute une vie de rage et de frustration. L'écoute de l'album fait l'effet d'une essoreuse dont on ne ressort pas indemne. "Dry" à la colère plus naturelle et moins forcée que le suivant "Rid Of me" garde aujourd'hui encore toute sa crudité et son audace.
7- Pulp - Separations "Separations" d'avec le Pulp des années 80 ? Oui, on y est presque. La formation du charismatique Jarvis Cocker franchit un palier avec le single "My Legendary Girlfriend". Finies les chansons neurasthéniques des débuts, Pulp changeait doucement de braquet. Et cet entre-deux se révélait tout aussi passionnant.
6- The Frank & Walters - Trains, Boats and Planes Un disque qui fait toujours aussi plaisir aujourd'hui qu'hier. Une pop pourtant datée, mais qui fait tant défaut à notre époque. Simple, efficace, directe, aux paroles et thèmes universels.
5- REM - Automatic For the People
L'histoire d'un groupe respecté de folk-rock indépendant qui, par l'effet d'un tube interplanétaire ("Losing My Religion") va se retrouver propulsé comme petits maîtres du genre. C'est justifié à l'écoute de cet "Automatic For The People", une de leurs plus évidentes réussites, malgré quelques facilités ("Everybody Hurts").
4- Dominique A - La Fossette
La chanson de chez nous ronronnnait depuis des années quand est apparu cet ovni. Le premier disque de Dominique A, trouvait un ton nouveau, marriant Barbara à Young Marble Giants. Pendant un moment, on n'a pas su quoi en faire. Puis, on s'est rendu compte qu'il avait libéré une partie de la musique d'ici. Aujourd'hui, Dominique A n'est désormais plus le seul à avancer. Même s'il garde encore sur la concurrence un avantage certain que les dernières Victoires de la musique sont enfin venus entériner.
3- Denim - Back In Denim
La musique de Lawrence, comme celle de son successeur désigné et premier fan déclaré, l'américain Christopher Owens, peut être facilement taxée par ses détracteurs comme simpliste, voire kitsch. C'est ce qui fait son charme immédiat diront les admirateurs. Surtout quand les mélodies sont aussi imparables que sur ce "Back In Denim".
2- Les Innocents - Fous à lier
Où l'on me reprochera sans doute ce choix très "grand public". Reste que comme je l'ai déjà dit, c'est sans doute l'un des seuls disques que j'écoutais adolescent et que j'écoute encore avec le même plaisir aujourd'hui. Une pop "made in France" qui ne regarde pour une fois pas du côté de l'Angleterre ni de l'Amérique, mais invente son univers bien à elle. Rare.
1- Pavement - Slanted and enchanted
Comme pour le "Loveless" de My Bloody Valentine, il faut se repasser plusieurs fois ce premier disque de Pavement pour en apprécier toutes les richesses, y entendre les jolies mélodies sous l'impétueux canevas sonore. Pas si brouillon qu'il en a l'air et un style qui fera école. La preuve avec l'hommage récent du webzine "A découvrir absolument" à ce classique rock des années 90.