C’est le rassemblement auquel tu crains que personne n’assiste. Ce mercredi 10 avril à 19h30 devant l’hôtel de ville de Paris, il pleut, nous sommes quelques petits groupes de dix personnes au plus à battre le pavé pour ne pas trop sentir le froid. Décidés quoi qu’il en soit à tenir front au déferlement de haine, d’homophobie, de violence aussi désormais. Selon SOS Homophobie, elles ont augmenté de 300 % ces derniers mois.
A 20 heures, comme par miracle, la place est désormais pleine. C’est une forêt de parapluie et de drapeaux qui manifeste son amour de l’autre, son attachement à l’égalité des droits, qui dit : « Homophobie, ya basta ! », selon le mot de Jean-Charles Lallemand, un des animateurs de la commission LGBT du Parti de Gauche. Et la clameur a jailli comme pour rappeler que « face à l’homophobie, silence égale mort ». On se compte et nous voilà 5.000 !
A l’image des autres composantes du Front de gauche, le PG est venu en nombre. Parmi les militants, il y a Jean-Charles donc mais aussi Danielle Simonnet, conseillère de Paris et secrétaire nationale ; Martine Billard, notre co-présidente. Nous répondons à l’appel de l’inter-LGBT, la coordination des associations lesbiennes, gays, bi et trans après la multiplication des attaques homophobes : de l’intimidation contre le Printemps des assos LGBT qui se tient chaque année dans le Marais, à Paris, au passage à tabac d’un couple homosexuel le week-end dernier. Assurément, les opposants au mariage pour tous et à l’homoparentalité ont franchi un braquet redoutable dans la violence.
Pour Jean-Charles Lallemand, il y a un lien direct avec des débats parlementaires qui traînent en longueur. « Cette proposition de campagne du candidat Hollande ne nécessitait pas tant de discussions au Parlement, explique-t-il. Nous, au PG, nous sommes pour le clivage, donc l’expression du dissensus ne nous gêne pas. Mais, à un moment, il faut se donner les moyens de trancher. » La majorité PS-EELV-PRG sait aller vite quand elle le désire, comme en témoigne la manière dont a été géré le projet de loi retranscrivant l’Accord national interprofessionnel en texte législatif. Les retards accumulés dans l’examen du mariage pour tous ont permis aux réactionnaires de s’organiser et de monopoliser l’expression publique sur ce sujet.
La violence marque leurs propos, dans tous les espaces de débat. « A partir du moment où on exclut des citoyen-ne-s de l’accès aux droits, on déclare celle qui en est écartée comme inférieure », condamne Martine Billard, présente sur toutes les initiatives relatives à l’égalité des droits depuis… Tellement longtemps qu’il ne se passe pas 5 minutes sans qu’un militant veuille la saluer ou l’embrasser. Et ils sont nombreux ces militants. Mais bien moins que les citoyen-ne-s venu-e-s parce qu’ils se sentent concernés, qu’ils soient homos ou hétéros.
Sabrina fait partie des derniers. Femme de ménage et précaire, elle a tenu à participer au rassemblement « parce que le mariage pour tous, c’est juste l’application de l’esprit de la République ». Mon amie me cite, à l’appui de son raisonnement, une phrase de Condorcet : « Quiconque dénie des droits à autrui renonce aux siens ». Elle est donc venue « tout simplement » réclamer l’égalité des droits et la fin des violences.
Ces violences, initiées par le groupusculaire « Printemps français » ou le GUD de sinistre mémoire, procèdent, visiblement, d’une stratégie pensée de déstabilisation de la République. Personne n’y échappe, pas même les quelques parlementaires de droite qui défendent le mariage pour tous. Et l’humoriste ratée Frigide Barjot peut tenter de se démarquer des tenants avérés de l’extrême-droite, la nature même de son discours : l’exclusion, peut contribuer à justifier – pour certains – les encourage. Tout comme les prières de rue organisées par Civitas.
Fort heureusement, ce mercredi soir, alors que la nuit tombe gentiment, sous l’averse, la forêt de parapluie semble dresser une barrière moins contre les éléments que contre les crachats sur l’humanité que constitue chaque manifestation homophobe.
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Bonus vidéo : Peter Tosh « Equal Rights«