Avant toute chose, il ne faut pas croire que l’américanisation de la France, la fascination du «modèle américain», a commencé avec l’élection de Nicolas Sarkozy. Un petit et bref retour en arrière s’impose. On a tous en tête les images des soldats américains, libérant la France en 45 et amenant avec eux le Plan Marshall, les chewing-gums, Coca-Cola et films hollywoodiens (en cliquant sur la pub sur ce blog, vous atterrissez sur le site du nouveau Indiana Jones, comme quoi, rien n’a changé!). Les Français ont plongé dans cette culture les yeux grands ouverts, et l’on reste aujourd’hui fasciné par ce pays. L’acculturation est toujours active, les séries télé françaises cherchent toujours à imiter les séries américaines, tous nos médias copient les médias américains, on commence tout doucement à faire des films “blockbusters” et on a toujours tendance à dire que tout ce qui se fait aux Etats-Unis aujourd’hui sera adapté en France dans 10 ans, l’anglais est de plus en plus présent en France…
Ce qui est étonnant c’est que malgré notre caractère américanisé, les Français restent en grande majorité anti-américain car les Etats-Unis représentent l’ultra-libéralisme, ses dérives, la guerre permanente, le règne de l’anti-intellectualisme … Nous sommes fiers de notre exception culturelle, qui s’oppose à la globalisation menée par les Etats-Unis.
Mais l’américanisation de la France a pris de l’ampleur avec l’élection de Nicolas Sarkozy et sa rupture. Rupture avec la tradition gaulliste du Président de la République et basculement vers un président “à l’américaine” qui ne se cache pas pour dire tout l’amour qu’il porte à la nation d’Elvis Presley.
Le nouvel “ami américain” a toutefois entraîné dans son sillage toute une série de changements qui vont dans le sens de l’américanisation, et l’identité de la France, notamment culturelle, et malgré la création d’un ministère créé pour sa défense, en prend un coup.
• Un Président “bling-bling” (termes réservé alors aux rappeurs américains qui portent à longueur de journées des colliers en or ou en argent, des montres énormes et affichent leur opulence de toutes les manières possibles) qui accomplit son “rêve américain” : il a réussi et il le montre ! On se croirait dans Le Parrain.
• Une vie sentimentale digne d’une série du genre “Amour, gloire et beauté” avec divorce et remariage 2 mois après, peopeulisation de la présidence, voyage à Louxor, conte de fées, ils vécurent heureux et eurent beaucoup d’enfants, blabla… Walt Disney aurait pu écrire l’histoire.
• Le Président s’est fortement et durablement engagé auprès du gouvernement américain en déclarant que la France serait toujours à ses côtés. Et pour prouver sa bonne volonté, d’envoyer 700 soldats en Afghanistan, alors qu’il avait affirmé lors de la campagne présidentielle qu’il serait inutile d’envoyer de nouveaux soldats dans ce conflit. Il y a fort à parier que si Nicolas Sarkozy avait été président lors de la guerre en Irak, nous nous y serions engagés.
• Il a également affirmé son désir de voir la France de retour dans l’OTAN, organisation créée après la Seconde Guerre Mondiale, largement dominée par les Etats-Unis. OTAN que la France avait quitté sous la présidence du Général De Gaulle, estimant que la situation n’était plus celle d’après-guerre et que la France devait garantir sa souveraineté.
• En Boss de la droite française (qu’il a construit comme une entreprise au service de son élection), il est aussi plus libéral que ne l’était le Président Chirac. Il a publiquement déclaré qu’il songeait à supprimer les 35 heures (avant de dire le contraire 24 heures après …)
• Le projet de supprimer la prise en charge des lentilles et lunettes par les mutuelles fait également penser aux Etats-Unis et à leur système de santé qui pénalise plusieurs millions de personnes ne possédant pas d’assurance. Cette mesure nous emmènerait sur cette voie, et ceux qui ont vu le film Sicko, de Michael Moore, comprennent pourquoi on a des raisons de nous inquiéter, sans pour autant s’alarmer puisque cette mesure n’a pas encore été adoptée. Mais elle a déjà été envisagée.
• La culture française est moribonde : De Gaulle avait André Malraux comme Ministre de la Culture, Mitterrand était fan de Dostoïevski et De Gaulle de Chateaubriand. Sarkozy est fan de Lionel Richie et de Céline Dion, invite Jean-Marie Bigard chez le Pape (je ne m’en remettrai JAMAIS) et sa Ministre de la Culture … eh bien son nom ne me revient pas. Que Nicolas Sarkozy n’ait pas la culture de De Gaulle, Mitterrand ou Chirac, ce n’est pas grave ; mais c’est son inaction en faveur de la culture française (qu’il semble dédaigner au profit de Lionel Richie, Céline Dion, Tom Cruise ou Elvis Presley) qui est en train de détruire l’image de la France à travers le monde.
L’amour de Nicolas Sarkozy pour les Etats-Unis est en train d’affecter profondément la France. L’american way of life, que j’qualifierais de soft (j’utilise des anglicismes exprès, ne me sautez pas à la gorge !), qui est le nôtre forme un terreau favorable pour cette rupture qu’incarne Sarkozy. Seulement cette rupture-là, il n’en avait pas du tout, mais alors pas du tout parlé pendant sa campagne. Normal, comme dit plus haut, l’anti-américanisme est très présent, et s’il avait été appelé “l’ami américain” avant ou pendant la campagne, nul doute que l’issue de l’élection aurait pu être différente. Toujours est-il que c’est le cas aujourd’hui, la France s’américanise à vitesse grand V.
Pour le meilleur ou pour le pire ?