Le gouvernement s'apprête à appliquer un plan d'économie de 7 milliards d'euros à l'horizon 2011 dans le cadre de la révision générale des politiques publiques. Après les 23 900 départs à la retraite non remplacés en 2008 (dont 11 200 dans l'éducation), 35 000 postes seront à nouveau supprimés en 2009 dans la fonction publique. "L'économie" réalisée ne dépassera pourtant pas 500 millions d'euros par an.
On voit mal comment le gouvernement s'y prendra, sans relever les impôts, pour solder le reste de la facture par le simple biais des réorganisations annoncées (parfois nécessaires) de l'administration. En attendant, après l'éducation, l'encadrement prévu des dépenses de santé et d'emploi compromettra le traitement de nombreuses urgences sociales. Le manque de personnel dans les hôpitaux ne sera pas comblé. Le volet "sécurité" de la "flexisécurité" verra difficilement le jour. Le revenu de solidarité active ne fera pas long feu. Une telle baisse des dépenses publiques provoquera de surcroît un effet récessif.
Contrairement à l'objectif recherché, les déficits se creuseront de nouveau, compte tenu de la chute des recettes fiscales induite par la décroissance de l'économie. Trop de rigueur tuera la rigueur. La politique budgétaire restrictive française est une erreur économique à l'heure où pointe une récession mondiale. Dans un tel contexte, Américains et Britanniques ne manquent jamais d'user de l'arme budgétaire pour relancer la croissance, en complément de l'instrument monétaire. La France pourrait d'autant plus emboîter le pas que ses marges de manoeuvre budgétaires sont sous-estimées.
Premièrement, la France n'est aucunement en faillite. Comme tout compte de patrimoine, le compte de l'Etat comporte un passif, la dette, mais il inclut également les actifs qu'il détient. La différence, positive, représente 38 % du PIB. Chaque nouveau-né voit en vérité le jour avec un crédit de 11 000 euros.
Deuxièmement, nos marges de manœuvre sont en particulier plus grandes qu'outre-Atlantique. Il existe une abondante épargne intérieure qui fait cruellement défaut aux Etats-Unis. Dans l'Hexagone, elle deviendrait excédentaire si l'Etat ne la mobilisait pas pour compenser le déficit d'investissements privés qui pénalise la croissance française. Parce que cette épargne est friande d'obligations d'Etat, réputées extrêmement sûres, l'agence France Trésor peut émettre des titres à très bas taux d'intérêt pour financer une relance budgétaire. Il n'y a donc aucun problème pour financer la politique publique. Le "paquet fiscal" a ainsi été financé grâce à la dette. Il ne provoque malheureusement pas le choc fiscal initialement escompté.
Malgré l'allégement du coût des heures supplémentaires, les entreprises n'ont aucune raison d'accroître le volume de travail dans le marasme qui prévaut. L'exonération de cotisations a donc créé un nouvel effet d'aubaine. Le manque à gagner pour la sécurité sociale devra être comblé par de nouveaux prélèvements qui pèseront sur la consommation. Le reste du "paquet" (bouclier fiscal, successions, intérêts d'emprunt...) accroît le revenu disponible des ménages aisés, dont la propension à épargner est forte.
En 2009, les 13,8 milliards du paquet fiscal pourraient être redéployés vers des dépenses porteuses d'avenir : santé, éducation, innovation, recherche, investissement public, redistribution. La dette est alors dite "soutenable" si la croissance qu'elle soutient engendre les recettes fiscales permettant en fin de course de réduire les déficits. Le meilleur moyen de réduire les déficits est de relancer la bonne dépense, celle qui exerce un effet réel sur la croissance. Entre 1999 et 2006, la Grande-Bretagne a ainsi réduit sa dette malgré un accroissement de 5 points de ses dépenses publiques, notamment destiné à créer 560 000 emplois publics, dont 150 000 dans l'éducation et 280 000 dans la santé.
Le plan de rigueur n'est justifié à l'aune d'aucun argument macroéconomique sérieux. Il n'est indispensable que dans la perspective d'un respect dogmatique du pacte de stabilité, dont Romano Prodi disait qu'il est une stupidité. L'application du pacte de stabilité est en effet à l'origine du "paradoxe de la dette" : la dette publique s'est accrue au cours de ces quinze dernières années au cours desquelles les gouvernements ont appliqué des politiques censées réduire le poids de l'interventionnisme public. Contrairement à une idée reçue, la montée inexorable des déficits n'est aucunement due à une explosion des dépenses de l'Etat et de ses dépenses de fonctionnement. La part des dépenses publiques dans le PIB est restée inchangée depuis vingt-cinq ans, autour de 53 % du revenu national.
En son sein, ce sont les dépenses sociales (santé, retraite) qui ont augmenté de plus de 2 points, sans qu'on puisse crier au scandale. La part des dépenses de l'Etat a baissé de 3 points, passant de 25 % à 22 % du PIB. Parmi celles-ci, les dépenses de fonctionnement, cibles de toutes les critiques, ont été réduites de 5 points, passant de 40 % à 35 % des dépenses de l'Etat. Les dépenses de personnel ont été réduites de 4 points, passant de 28 % à 24 % des dépenses de l'Etat. Par ailleurs, la loi organique relative à la loi de finances évalue désormais strictement chaque mission dans une perspective nécessaire de rationalisation des choix budgétaires. Enfin, les budgets des collectivités territoriales sont équilibrés, malgré de nombreux transferts de compétences réalisés sans transferts de ressources.
Le creusement de la dette publique ne provient donc pas de l'inflation de dépenses publiques, mais de la chute des recettes fiscales qui résulte de la baisse du rendement de l'impôt, induite par les réformes fiscales engagées depuis 1993, et de l'inefficacité des politiques "de l'offre". Celles-ci se sont avérées incapables d'emmener la croissance française à son taux potentiel, supérieur à 3 %.
A l'exception de la période 1998-2001, la croissance annuelle moyenne a été trop souvent en dessous des hypothèses retenues pour la construction des lois de finances. La dette publique s'est donc accrue. Elle représentait 36,5 % du PIB en 1991, avant l'entrée en application du traité de Maastricht. Elle explose entre 1993 et 1996, où elle s'élève à 58,5 % du PIB. Après un intermède lié à la reprise de 1998-2001, elle recommence à croître à partir de 2002. Elle est aujourd'hui supérieure à 64 %. Il n'y a pas d'exception française en la matière.
Malgré leur zèle à comprimer les dépenses publiques, cinq autres pays de l'Eurogroupe ne parviennent pas à respecter la limite d'un taux d'endettement de 60 % du PIB, fixé par le pacte de stabilité. Le taux d'endettement du Portugal est de 65 %, celui de l'Allemagne de 68 %, celui de la Belgique de 89 %, celui de la Grèce de 105 % et celui de l'Italie de 107 %.
La présidence française du Conseil européen peut être l'occasion, dès le 1er juillet, de lancer enfin le chantier de la révision du pacte de stabilité pour inscrire l'Europe dans la perspective d'une relance mondiale de la croissance. Puisque rien n'est gravé dans le marbre d'une Constitution, le prochain président du Conseil européen peut, pour cela, proposer sans difficulté de réviser l'article 126 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, l'un des trois textes qu'il a fait ratifier, il y a peu, par voie parlementaire.
Liêm Hoang-Ngoc est économiste, maître de conférences à l'université Paris-I.
Publication originale Le Monde
Voilà un article extrêmement intéressant qui va à l'encontre de bien des idées reçues.
A retenir :
- la France n'est pas en faillite, elle n'est pas le bonnet d'âne de l'Europe en matière d'endettement,
- la part des dépenses de fonctionnement de l'Etat dans le PIb n'a pas bougé depuis 25 ans, Les dépenses de personnel ont été réduites de 4 points (et ce n'est qu'un début) alors que les dépenses sociales n'ont augmenté que de 2 points,
- pour améliorer un budget on peut soit diminuer les dépenses soit augmenter les recettes ; le gouvernement a choisi la )plus mauvaise des solutions : diminuer les dépenses,
- l'effort constant des gouvernements de droite a diminuer les impots a eu pour conséquence d'assécher les finances publiques. Il est certain que l'État providence sans impôt ce n'est pas possible.
- enfin l'Europe a eu pour conséquence évidente d'augmenter gravement l'endettement des pays membres, sans améliorer pour autant la situation des européens.
Tout cela ma rappelle que lorsque j'étais étudiant on parlait toujours d'économie politique. Aujourd'hui, il est évident que la part de la politique ait singulièrement augmenté mais paradoxalement le terme de politique a disparu !
L'économie n'est pas une science, il suffit de constater l'état dans lequel se trouve l'économie mondiale en ce moment pour en être persuadé, et à mon humble avis cela ne va pas s'arranger.
La politique ne doit pas être le résultat de l"économie, comme c'est trop souvent le cas depuis des décennies. Rappelez vous Jospin, homme de gauche et ex disciple de Trotsky de surcroit, avouant publiquement l'impuissance de l'Etat face aux lobbies de l'économie.
C'est exactement le contraire qui devrait se produire, à savoir l'économie comme résultat d'une politique. Mais pour cela il faudrait de vrais hommes et femmes politiques qui auraient pour moteur non l'ambition, le goût du pouvoir ou l'appât du gain, mais de vraies idées et une vraie volonté de les appliquer.
Il faudrait aussi que les français finissent par comprendre qu'on ne peut avoir le beurre, l'argent du beurre et les tétons de la crémière. On ne peut en même temps gueuler contre l'augmentation des impots et trouver normal que l'Etat pourvoie à tout. On ne peut réclamer le maintien des dépenses sociales tout en faisant de la fraude fiscale un sport national. Etc. etc.
De toutes les façons il n'y pas de mystère ; les italiens en ce domaine sont pires que nous et ils ont...Berlusconi. Nous, nous avons Sarkozy, qui n'est jamais qu'un Berlusconi au petit pied.
Dans les deux cas s'il n'existait une majorité de gens qui leur ressemblent ces deux caricatures ne seraient pas au pouvoir.
On n'est pas sorti de l'auberge !
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