Margaret Thatcher a pris en main une Grande-Bretagne ruinée et déshonorée et l'a laissée prospère, assurée et libre.
Par Daniel Hannan, depuis Oxford, Royaume Uni.
Ma dernière rencontre avec notre meilleur chef de parti.
Je ne suis pas sûr qu'on puisse apprécier l'ampleur de l'exploit de Margaret Thatcher sans une certaine connaissance de la calamité qui l'a précédée. La plupart des Britanniques ne se rappellent plus des années 70. Je suis juste légèrement au dessus de l'âge national médian, étant né en septembre 1971, et mes souvenirs sont flous. Je me rappelle cependant du sentiment de désespoir. Encore et encore, j'entendais des adultes dire avec désinvolture "La Grande-Bretagne est finie". Ayant passé ma jeunesse au Pérou, où la Grande-Bretagne était encore considérée comme un grand pays, j'étais choqué.
En fait, ces sentiments étaient compréhensibles. C'était les années de la semaine de trois jours, du contrôle des prix et salaires, de l'inflation à deux chiffres, de grèves constantes, de coupures d'électricité. Tout au long des années 1960 et 1970, le Royaume-Uni avait été surclassée par toutes les économies européennes. "La Grande-Bretagne est une tragédie, elle a coulé dans l'emprunt, la mendicité, le vol jusqu'à ce que le pétrole de la mer du Nord rentre en jeu" disait Henry Kissinger. Le Wall Street Journal était plus brutal : "Au revoir, la Grande-Bretagne ; c'était bien de vous connaître".
Margaret Thatcher, presque seule, a refusé d'accepter la fatalité du déclin. Elle était déterminée à retourner la situation, et elle a réussi. L'inflation chuta, les grèves stoppèrent, l'esprit d'entreprise latent des gens libres fut réveillé. Ayant pris du retard depuis une génération, nous avons dépassé tous les pays européens au cours des années 1980, à l'exception de l'Espagne (qui rebondissait d'encore plus bas). Alors que les revenus affluaient, les impôts furent réduits et la dette remboursée, alors que les dépenses publiques (contrairement à la croyance quasi universelle) augmentaient.
Aux Malouines, Margaret Thatcher montra au monde qu'un grand pays ne recule jamais. Et en mettant fin à la misérable politique de détente unilatérale qui avait permis aux Soviétiques d'avancer en Europe, en Corée et en Afghanistan, elle a mis en route les événements qui allaient libérer des centaines de millions de personnes de l'idéologie la plus meurtrière que l'humanité ait connue – d'un strict point de vue algébrique.
Comme tout le monde, je me rappelle où j'étais quand elle a démissionné. C'était l'équivalent pour ma génération de l'assassinat de John F. Kennedy, un événement qui a curieusement aussi eu lieu un 22 novembre. Après trois élections victorieuses, la Dame de Fer fut destituée par un ensemble de députés euro-fanatiques – les "criminels de novembre", comme l'un des présidents locaux du parti [NdT : le Conservative Party auquel appartient Daniel Hannan] les appelle sombrement. Il est vrai qu'il y avait plusieurs facteurs d'impopularité, à commencer par l'impôt par tête. Pourtant, on ne pourra jamais assez le répéter : la cause immédiate du renversement de Margaret Thatcher est son opposition à l'adhésion de la Grande-Bretagne à l'euro. Qui avait raison ?
Selon toute mesure normale, elle a été une politicienne couronnée de succès. J'irai plus loin en la qualifiant de plus grand Premier ministre que nous ayons jamais connu. Pourtant, elle a suscité chez beaucoup une haine si intense que même le jour de la mort de cette grand-mère fragile, l'internet a été remplie d'une joie venimeuse (si vous avez l'estomac solide, jetez un œil à mes réponses sur Twitter ou au hashtag #dingdongthewickedwitchisdead).
D'où vient cette haine grossière ? Les anti-thatchériens vous diront que c'est parce qu'elle a fermé les vieilles industries – elle ne l'a pas fait bien sûr, elle a juste arrêté d'obliger tout le monde de les soutenir. Pourtant, il devrait désormais être évident que rien n'aurait pu sauver les chantiers navals, les mines de charbon et les aciéries. Un processus similaire de désindustrialisation s'est déroulé dans les autres pays d'Europe occidentale et les seuls partis qui parlent toujours de "faire revivre notre industrie" sont Respect [NdT : parti socialiste anglais], les socialistes écossais et le BNP [NdT : British National Party, parti nationaliste anglais].
Non, ce que les gauchistes (avec des exceptions honorables) trouvent si difficile de pardonner, c'est le succès même de cette femme : le fait qu'elle ait secouru un pays qu'ils avaient déshonoré et appauvri. Elle a hérité d'une Grande-Bretagne sclérosée, endettée et en déclin, et elle l'a laissé fière, riche et libre. Enfin, elle n'a jamais perdu une élection contre eux. Leur rage, en vérité, ne peut être apaisée car c'est la rage de Caliban.
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Sur le web.
Traduction : Cthulhu/Contrepoints.
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