Bientôt, le projet d’aéroport du grand ouest, alias Notre-Dames-des-Landes, battra le record du nombre d’études, de commissions d’experts, d’analyses prévisionnelles, de documents environnementalistes liés au concept de grande plate-forme internationale envisagée sur un site de l’estuaire de la Tamise. Un grand bocage ŕ l’anglaise, destiné ŕ éviter l’étouffement de Gatwick et Heathrow, sorte de monstre volant du Loch Ness, qui risque fort de ne jamais devenir réalité. Il y aura bientôt 50 ans qu’on en parle.
Voici donc ŤNDDLť ŕ nouveau analysé par une Ťcommission du dialogueť, au demeurant non décisionnaire, qui a permis d’apaiser trčs provisoirement une polémique qui, malgré les apparences, n’a rien ŕ voir avec le transport aérien. On a pu constater, en effet, que les opposants les plus virulents ŕ l’hypothétique nouvel aéroport, outre le fait qu’ils ne comprennent rien au devenir de l’aviation commerciale, défendent une certaine vision de la société, celle d’écologistes qui pourraient ętre sympathiques s’ils n’étaient violents. Ils défendent un bocage qui leur est cher, ce qui est méritoire, mais sont victimes de circonstances adverses. Ils font face, en effet, ŕ un Premier ministre qui croit que la France perdra une bonne partie de sa mobilité aérienne si NDDL ne se fait pas. Au plan politique, compte tenu de l’ampleur des autres problčmes qui agitent actuellement l’Hexagone, cette attitude frise le ridicule.
De quoi s’agit-il, en allant ŕ l’essentiel ? De décider si le Grand Ouest du transport aérien français peut se contenter de l’aéroport de Nantes Atlantique, et cela en toute sécurité, ou tout au contraire se doit de voir les choses en grand, de faire du neuf, avec ambition. Les incidents s’étant multipliés, la polémique ayant pris une ampleur jamais connue précédemment dans le monde aéroportuaire, le Premier ministre risquant de se retrouver K.O. dans les cordes, le ministre des Transports étant pour sa part inaudible, une petite porte de sortie est apparue avec la création de cette commission dite du dialogue.
Elle a remis son rapport mardi soir et, bonne surprise, on a aussitôt pu constater qu’il s’agissait d’un travail sérieux. Ses auteurs, Mme Claude Brévan et MM. Claude Chéreau et Rouchdy Kbaier, ont fait habilement le tour de la question, dressant un inventaire réaliste des arguments avancés par les uns et les autres, énumérant correctement des données évidemment contradictoires. ŤUn échange respectueux des points de vue a pu ętre instauréť, affirme le document. Le problčme apparu le soir-męme est venu du Premier ministre lui-męme : compte tenu de son emploi du temps de ce mardi trčs agité politiquement, sans doute n’avait-il pas encore consulté ou parcouru le rapport qu’il disait haut et clair que Ťl’aéroport du grand ouest se doit d’ętre exemplaire et, ŕ ce titre, optimisé sur la base des recommandations formulées par les commissionsť. On a aussitôt remarqué l’utilisation du temps présent et, pour qui pouvait douter de la tournure des événements, un communiqué clair et net a effacé toute hésitation : Ťle Premier ministre réaffirme son attachement ŕ poursuivre la conduite de ce projet dans le respect de cette méthode de travail fondée sur le dialogue et l’échange constructifť.
De prudentes suggestions sont mentionnées, par exemple celle qui reviendrait ŕ réduire l’emprise de l’aéroport. Mais rien de franchement nouveau n’est apparu ŕ propos de l’hypothčse ténue de Ťréaménagerť Nantes Atlantique ou encore celle qui consisterait ŕ envisager d’autres sites. Ce qui reviendrait ŕ réaffirmer un besoin, actuellement non avéré, de faire naître coűte que coűte un nouvel aéroport.
Les auteurs du rapport ont rassuré les professionnels du secteur en évoquant Gatwick, Genčve, San Diego, qui absorbent avec une seule piste un trafic autrement plus important que celui de Nantes, actuel ou futur. Ce qui a permis d’évacuer la supposée crainte d’une saturation prochaine d’un aéroport qui atteindrait les 9 millions de passagers annuels en 2050. Ce qui est de toute maničre sans intéręt : c’est tout de suite que doivent ętre réunies les conditions d’une sortie de crise. Et, malgré les apparences, son origine est purement politique, sociétale, et sans aucun rapport réel avec l’avenir du transport aérien français.
Pierre Sparaco - AeroMorning