Agent trouble-fête, ordonnateur solennel, De Guiche a des airs de pitre inquiétant. Dans un étrange accoutrement, c’est lui qui prononce la sentence décisive : les cadets partent à la guerre, finie la bagatelle ! Christian va y perdre la vie : le lit d’hôpital trouve ainsi sa fonction. Le siège d’invalide également. Dans l’impitoyable mise en scène de Pitoiset, l’immaculée Roxane brutalement « frappée » par le poids des ans, enfile sans transition une espèce de corset boudiné à la Mrs Doubtfire. Quinze ans ont passé, et la robe de la nonne qu’elle revêt désormais dissimule mal l’embonpoint de la belle inconsolable. Toujours fidèle à sa bien aimée, Cyrano lui rend visite et, en bon libertin, taquine régulièrement les bonnes sœurs.
Mais victime d’une agression, il ne peut plus que s’effondrer dans le fameux Fauteuil (figure du Destin ?) Il trouve néanmoins la force (et Philippe Torreton porte brillamment le personnage jusqu’à ses ultimes limites) de défier une dernière fois le monde : « Tous mes vieux ennemis, le Mensonge, les Compromis, les Préjugés, les Lâchetés, la Sottise... » (résonance particulière en ces semaines politiques troubles...)
Il s’effondre. Lumière bleutée du juke-box... Baschung, « comme un légo »... Retour à la case départ... L’Eternel Retour tragique ? Un sentiment étreint le spectateur... Comme si la pièce allait recommencer à l’infini... Comme si, finalement, le parti-pris de la mise en scène était le suivant : l’histoire de « Cyrano de Bergerac » met en scène des héros décalés, blessés, mortifiés : « J’ai tout raté, même ma mort » se lamente Hercule Savinien Cyrano de Bergerac « qui fut tout et qui fut rien ».
Lessivés par la vie, condamnés à jouer inlassablement le même rôle, à défier des fantômes, à lancer les balles des mêmes mots, à aimer une ombre, dans une vie de toute manière, ratée d’avance ! Sous la lumière des projecteurs, des personnages phalènes et spadassins, enfermés entre les murs d’une blanche clinique neuropsychiatrique...