Mes ami-e-s,
Nos équipes ont récemment découvert dans un état de conservation exceptionnel un fonds très important d'archives et d'incunables datant du XXIème siècle après Jésus-Christ.
Nous devons cette découverte exceptionnelle à des travailleurs qui préparaient les fondations de la nouvelle piste cyclable à 6 voies située à proximité de la Seine. La roche argileuse a miraculeusement préservé dans une cavité ces précieux documents de l'humidité et des affres du temps.
Après des mois de restauration, de recherches scientifiques et d'analyses, nous pouvons officiellement affirmer que ces archives éclairent d'un jour nouveau la deuxième décennie des années 2000, et permettent de réviser notre jugement sur un haut responsable politique français.
ToutânkHAMON le Benoît, puisqu'il s'agit de lui, était un membre éminent du parti solférinien au pouvoir, abusivement dit "socialiste". En ces temps barbares où l'obscurantisme de l'idéologie néolibérale régnait, deux partis politiques, l'UMP et le PS, dont les conceptions économiques et sociales étaient similaires, se partageaient alternativement le pouvoir au gré d'élections prétendument démocratiques et menaient des politiques identiques ou similaires.
ToutânkHAMON le Benoît (pas le benêt) appartenait à l'aile gôche du PS. Il s'agissait d'un courant politique en opposition avec l'évolution idéologique du parti. A quelques exceptions près, les dirigeants de ce courant avaient l'habitude de se positionner à gauche et de se répandre dans les médias avant d'accepter les décisions les plus droitières et les plus antisociales des différents gouvernements Ayrault. Certains menus attestent du déséquilibre alimentaire des membres de l'aile gôche : un roboratif repas unique constitué d'une riche soupe aux couleuvres et d'un petit rosé bouchonné.
Dès son plus jeune âge, ToutânkHAMON le Benoît eut l'intelligence d'investir cette niche politique minoritaire mais porteuse d'avenir, assurant à ses dirigeants d'occuper quelques strapontins dans les instances dirigeantes du parti, dans le gouvernement et au parlement, suivant ainsi les préceptes du célèbre philosophe Jacques Séttali :
« Si à 50 ans tu n'as jamais été ministre ou élu, c'est que tu as raté ta carrière au PS ! »
Ainsi donc, ToutânkHAMON le Benoît devint assistant parlementaire, puis président du MJS, l'organisation de jeunesse du parti, conseiller pour la Jeunesse, membre du cabinet de Martine Aubry. Après la défaite de la gauche, les compétences de ce modeste mais valeureux conseiller municipal de Brétigny-sur-Orge (Essonne) le conduisirent à la direction du planning stratégique de l'institut de sondages Ipsos.
Après cette courte mais éprouvante traversée du désert, la carrière de ToutânkHAMON le Benoît reprit son envol. Il devint député européen, membre du bureau politique du parti, porte-parole du PS, chef de l'aile gôche unie via la motion un monde d'avance, conseiller régional d'Île-de-France, et enfin ministre délégué chargé de l'économie sociale et solidaire de la Vème République sous l'unique quinquennat de François Hollande.
Dans le cadre de ses fonctions, ToutânkHAMON le Benoît sortit deux fois de son sommeil ministériel. La première fois, lors d'une crise dénommée le "chevalgate"qui révéla combien l'économie capitaliste gaspilleuse, ruineuse, dévastatrice et exploiteuse favorisait les agissements criminels et frauduleux des industriels de l'industrie agroalimentaire. Il promit benoîtement un meilleur étiquetage des produits, en d'autres termes une meilleure traçabilité. Pendant qu'il faisait le job dans les médias pour rassurer les consommateurs, nos archives révèlent que son administration poursuivait le démantèlement du service en charge de la répression des fraudes.
La seconde fois, ToutânkHAMON le Benoît brisa son silence pour s'opposer à la marche citoyenne pour la VIe République ! Aussi incroyable que cela puisse paraître, et les documents en notre possession l'attestent, l'ex-leader de la gôche du PS a défendu les institutions monarchiques et antidémocratiques d'une Vème République inégalitaire, autoritaire et sclérosée.
A l'époque, ce fut la stupéfaction générale parce que ToutânkHAMON le Benoît retrouvait la parole pour trahir les siens ! Jusque-là, il avait préféré ne pas afficher sa complice servilité devant l'austérité batave, le démantèlement du droit du travail, l'accord made in MEDEF, les coupes budgétaires dans les services publics, l'absence de loi contre les licenciements boursiers, l'enfumage de la séparation des activités bancaires, l'amnistie à minima des travailleurs en lutte, la règle d'or, les reculades sur le non cumul des mandats, l'infinitésimale hausse du SMIC et du RSA, la poursuite de la RGPP, les 20 milliards de cadeaux fiscaux octroyés au patronat sans une seule contrepartie...
A gauche, tout le monde comprit alors que ToutânkHAMON le Benoît, accroché à son portefeuille ministériel comme une tique sur la peau d'un chien, avait basculé du côté obscur de la force aveugle et scélérate de l'oligarchie en développant un sens du réalisme et du pragmatisme aussi opportuniste que ses camarades de l'aile droite du parti.
Voilà, c'est tout ce que nous savons désormais de ToutânkHAMON le Benoît. En effet, nous perdons toute trace de lui après le 5 mai 2013, hormis quelques plaques de rues qui témoignent de son illustre passage en ce bas monde...