J’étais dans le bus lorsqu’un homme âgé, avec une canne, s’est levé pour me laisser sa place. Je voyais que c’était un réel effort pour lui et qu’il était même dangereux de le laisser debout, lui qui tanguait un peu sur ses jambes. J’ai pensé lui expliquer que la galanterie était ridicule, qu’elle n’avait aucun sens et que seule la politesse importait. Et j’ai compris que cet homme-là voulait cette dernière joie, celle d’être galant. Alors j’ai cédé et j’ai vu dans ses yeux sa fierté d’être toujours un homme bien.
Ecrire ce texte m’irrite à l’avance car j’entends déjà les « t’as pas mieux à foutre que de parler de la galanterie ?« . Oui on sait. Sauf que quand on vous parle de culture du viol, vous la niez. Définissez nous donc les sujets à traiter, la manière de les traiter et les limites à ne pas franchir.
Je lis sur le larousse ; galanterie : « Politesse empressée auprès des femmes. » La galanterie est donc un comportement sexué, adopté par les hommes à l’égard des femmes. Si un homme tient la porte uniquement aux femmes, il est peut-être galant mais sacrément impoli donc car il n’y a aucune bonne raison à ne pas la tenir à un homme. Si sincèrement vous pensez, en tant que femme, vous n’êtes pas capable de pousser une porte ou de la tenir, ou de porter une valise, allez vite voir votre médecin, vous souffrez d’anémie.
La galanterie est comme le Mademoiselle, elle est vendue comme une valeur positive aux femmes. Après tout cela ne mange pas de pain que de se faire tenir la porte, se faire payer le restau ou se faire porter un sac. Hormis le fait de passer pour une petite chose incapable et dépendante, peut-être.
Wikipedia dit « La galanterie se présente comme un ensemble de manières développées par un homme en vue de faciliter les déplacements, les mouvements ou l’habillement d’une femme. Elle consiste, par exemple, à laisser la priorité à la femme sur le seuil d’une porte, à lui céder sa place dans les transports en commun ou à l’aider à porter ses bagages. Plus généralement, il s’agit d’être prévenant et attentionné à l’égard des femmes et de leur témoigner du respect et de la considération« .
Personne n’a à me faciliter la vie parce que je suis une femme, ce qui est un hasard génétique complet. Je ne peux prétendre à l’indépendance, à des choix de vie, si je décide de me comporter en objet fragile qui a besoin d’être guidé, escorté et aidé pour de mauvaises raisons. Ainsi comme nous l’affirme ce garçon (dont le texte soulève par ailleurs de vraies questions) : « Dans tous les cas, il s’agit de faire preuve d’un maximum de respect et d’égards partant du principe que ces dames sont plus fragiles et sensibles que les hommes (ce qui est globalement vrai, et dans le contexte il s’agit de qualités) et par conséquent, c’est à l’homme de se montrer délicat, attentionné et prévenant. » (en gros je vais m’écrouler et me mettre à pleurer si on ne me tient pas la porte c’est ce dont il s’agit ?).
La galanterie n’a rien à voir avec la politesse qui s’adresse à tout un chacun, indépendamment de son genre. Chacun a évidemment à aider quelqu’un qui a des difficultés avec ses bagages, quel que soit son genre. Tout le monde doit laisser sa place à une personne âgée ou à tenir la porte à la personne qui nous suit. Nous ne parlons pas ici de politesse mais bien de galanterie.
Quant à la galanterie matérielle – c’est-à-dire le fait de payer systématiquement quand on est un homme – elle s’est expliquée, comme le dit d’ailleurs le texte linké ci dessous, par le fait que les femmes n’avaient aucune indépendance matérielle. Etant donné que cela n’est plus le cas, il n’y a aucune raison valable à vouloir qu’un homme paie systématiquement.
Je vous conseille à ce sujet de parcourir les commentaires du texte précédent :
« Bien-sûr, il m’arrive de partager l’addition mais uniquement si je ne compte pas aller plus intimement dans la relation »
« Car il considère qu’ être en ma compagnie a un prix et que ce qu’il dépense en taxis, restaurants ou cinémas en vaut largement la peine. »
« Il est vrai que lors dès premiers rdv je m’attends à ce que l’homme paie le repas, sinon, je risque d’imaginer que je ne l’intéresse pas assez pour qu’il daigne m’offrir quelque chose »
Certaines femmes s’objétisent en estimant que leur présence a un prix. Mieux elles estiment qu’il y a un lien clair entre le fait de payer et d’avoir ensuite des relations sexuelles.
On est ici dans le sexisme ambivalent, le paternalisme où les stéréotypes accolés au groupe dominé ne sont pas considérés comme dangereux ; ainsi notre blogueur considère les femmes comme « fragiles » et « sensibles ». Ce type de sexisme, est, comme le souligne l’article, difficile à détecter car beaucoup de femmes en sont friandes dans certains contextes, comme le couple où être galant est confondu avec du romantisme (et où, nous y reviendrons la relation dominant/dominé est quasi consubstantielle au couplé hétérosexuelle). le sexisme ambivalent considère les femmes comme des êtres purs, des princesses à protéger ; il les mets sur un piédestal comme des vases fragiles. Le sexisme ambivalent définit les hommes comme des protecteurs, exempts de tout comportement négatif ou sexiste puisqu’ils sacrifient leurs propres besoins au bénéfice des femmes. Le sexisme ambivalent vise donc clairement à rendre les femmes moins hostiles au sexisme hostile, direct et à les maintenir dans un état clair de subordination.
Le sexisme ambivalent fait donc apparaitre des comportements paternalistes, de claire différentiation sexuelle et d’intimité non sollicitée.
L’étude dévoilée ici est intéressante ; elle montre que des femmes soumise à un comportement sexiste bienveillant voient leurs performances à un test baisser drastiquement car, occupées qu’elles sont à déterminer si ce comportement est hostile ou non, elles ne s’occupent plus du test mis en place.
Glick et Fiske ont mené une enquête il y a 20 ans sur le sexisme bienveillant dans 20 pays et ont démontré que sexisme hostile et sexisme bienveillant vont de pair ; le sexisme bienveillant récompensant les femmes restant dans des rôles traditionnels pendant que le sexisme hostile punirait celles tentant d’en sortir.
« Être à la fois hostile et bienveillant est d’une efficacité redoutable pour maintenir un groupe dans son état de subordination » Benoît Dardenne