Le « Gender pour tous » et les droits des parents
Etat des lieux en Europe
par Grégor Puppinck
(extraits)
BRUXELLES, 5 avril 2013 (Zenit.org) – Les parents qui voudront transmettre certaines valeurs à leurs enfants vont dans les prochains mois se heurter à l’école de la République, telle que l’actuel gouvernement veut la refonder, en particulier à propos de la complémentarité homme-femme, de la sexualité humaine et de la morale.
Le projet de loi Taubira sur le mariage doit être considéré en lien avec un autre projet fondamental de l’actuel gouvernement : le projet de « refondation de l’école de la République » actuellement discuté à l’Assemblée Nationale. Ce projet de loi sur la « refondation de l’école de la République » prévoit, entre autres dispositions, d’introduire un nouvel enseignement obligatoire de morale laïque et d’éducation civique, ainsi que de lutter dès le plus jeune âge contre les stéréotypes de genre. Dans la presse et à l’Assemblée, le ministre de l’éducation nationale, Vincent Peillon, a précisé que
« le but de la morale laïque est d’arracher l’élève à tous les déterminismes, familial, ethnique, social, intellectuel »[1]pour « permettre à chaque élève de s’émanciper », car « le but de l’école républicaine a toujours été de produire un individu libre »[2].
Dans la même veine, la Ministre de la Justice, Christiane Taubira a également déclaré à l’Assemblée que
« dans nos valeurs, l’Education vise à arracher les enfants aux déterminismes sociaux et religieux et d’en faire des citoyens libres »[3].
L’un de ces déterminismes serait l’identité de genre ; la déconstruction des stéréotypes de genres est conçue comme un moyen d’émancipation des enfants. Le projet de « refondation de l’école de la République » prévoit à présent que
« l’éducation à l’égalité de genre » devienne une mission de l’école élémentaire, dès l’âge de 6 ans, « afin de substituer à des catégories comme le sexe (…) le concept de genre qui (…) montre que les différences entre les hommes et les femmes ne sont pas fondées sur la nature, mais sont historiquement construites et socialement reproduites »[4].
Cette volonté ressort également du récent rapport de l’Inspection Générale des Affaires Sociales[5] qui recommande que l’école s’engage dans la « lutte contre les stéréotypes de genre » « dès le plus jeune âge », qu’elle déconstruise « l’idéologie de la complémentarité » homme-femme pour « tendre vers une société » égalitaire. A cette fin, ce rapport recommande notamment aux enseignants de remplacer les appellations « garçons » et « filles » par les termes neutres « amis » ou « enfants », de raconter des histoires dans lesquels les enfants ont deux papas ou deux mamans, etc. Il s’agit, dit le rapport, d’empêcher la « différenciation sexuée » et l’intériorisation par les enfants de leur identité sexuelle. Outre ces aspects relatifs à la théorie du genre, la morale laïque promue par le projet de « refondation de l’école de la République » est aussi source d’inquiétudes. Ce projet de loi vise à refonder la société via l’école ; il est complémentaire du projet Taubira qui « refonde » la famille via le mariage. Comme l’indique M. Peillon, « le gouvernement s’est engagé à s’appuyer sur la jeunesse pour changer les mentalités, notamment par le biais d’une éducation au respect de la diversité des orientations sexuelles » [6].
Ainsi, si la loi Taubira sur le « mariage » est adoptée, l’école publique devra non seulement « déconstruire les stéréotypes de genre » dans l’esprit des enfants, mais en outre leur enseigner qu’il est normal d’avoir deux mères (et un père inconnu), ou deux pères (et une mère porteuse). Ces « parentalités » seront enseignées comme des faits objectifs (et non comme des choix) et seront donc insusceptibles de tout jugement moral. Les parents qui voudront transmettre la morale naturelle à leurs enfants seront pris au piège : ils devront expliquer à leurs enfants qu’il ne faut pas croire tout ce qui est dit à l’école, mais qu’il faut se taire pour ne pas avoir d’ennuis. Ce sera une violation manifeste des droits naturels des parents. Les projets et déclarations de Mme Taubira et de M. Peillon témoignent d’ailleurs sans ambigüité de leur intention de ne pas respecter les droits des parents, mais d’arracher les enfants pour les libérer. Ce droit a pourtant été réaffirmé dans les grandes déclarations des droits de l’homme après la seconde Guerre Mondiale, en réaction aux totalitarismes nazi, fasciste et communiste. La Déclaration universelle des droits de l’homme reconnaît que « la famille est l’élément naturel et fondamental de la société et a droit à la protection de la société et de l’Etat » (art. 16.3) et que « les parents ont, par priorité, le droit de choisir le genre d’éducation à donner à leurs enfants » (Art. 26.3). En ratifiant le Pacte international relatif aux droits civils et politiques, les Etats se sont engagés « à respecter la liberté des parents de faire assurer l’éducation religieuse et morale de leurs enfants conformément à leurs propres convictions » (Art. 18.4). De façon plus explicite encore, la Convention européenne des droits de l’homme énonce que « L’Etat, dans l’exercice des fonctions qu’il assumera dans le domaine de l’éducation et de l’enseignement, respectera le droit des parents d’assurer cette éducation et cet enseignement conformément à leurs convictions religieuses et philosophiques » (Protocole additionnel 1er, Art. 2).
Actuellement, les droits de la famille sont à nouveau attaqués au nom d’un projet de société, fondé non plus sur la famille, mais sur les notions de tolérance, de non-discrimination et de pluralisme et qui envisage l’homme comme un individu purement abstrait. Le pouvoir de l’Etat qui s’en trouve de nouveau étendu, car en se donnant pour mission de réaliser un « projet de société », il se donne d’abord le pouvoir de le définir et le droit de l’imposer.
Ce à quoi les parents français vont devoir faire face, les parents espagnols l’ont déjà affronté avec succès. En revanche, en Allemagne, des parents ont préféré être condamnés à des peines de prison ferme plutôt que d’envoyer leurs enfants à des cours d’éducation sexuelle. En Russie, la situation est différente, des gouvernements régionaux, à la demande des familles, adoptent des lois visant à protéger les enfants de la propagande LGBT, mais ils font face à de fortes pressions des institutions européennes et des lobbies.
(…)
La promotion de la théorie du genre n’est pas limitée à l’école. En fait, la question est beaucoup plus vaste. Les droits des parents se heurtent à la politique générale de non-discrimination selon l’orientation sexuelle dans laquelle s’inscrit la promotion de la théorie du genre. Le problème qui se pose à l’école se pose également dans le reste de la société. À cet égard, de nombreuses personnes ont déjà été sanctionnées en raison de leur refus moral de l’homosexualité. Le cas de l’Angleterre est exemplaire : depuis l’adoption en 2010 d’une loi sur l’égalité et la non-discrimination,. Ainsi, au Royaume-Uni, depuis l’adoption en 2010 d’une loi sur l’égalité et la non-discrimination, les sanctions et condamnations se multiplient[21]. Ainsi par exemple un couple s’est vu refuser l’agrément pour être famille d’accueil en raison de son jugement sur l’homosexualité, un médecin a dû quitter ses fonctions au sein d’un service social après s’être abstenu de prendre part à la décision de confier des enfants à des couples de même sexe, les agences catholiques d’adoption ont été contraintes de cesser leurs activités en raison de leur refus de confier des enfants à l’adoption à des couples de même sexe[22], une employée de mairie affectée à l’État civil et un conseiller conjugal ont été licenciés après avoir exprimé leur incapacité, en conscience, à conseiller sexuellement un couple d’homosexuels et à célébrer leur union civile. La Cour européenne n’a pas jugé abusifs ces licenciements[23]. C’est aussi le cas en Espagne où un magistrat qui avait demandé une expertise médicale visant à déterminer s’il est dans l’intérêt de l’enfant d’être adopté par la compagne de sa mère, a été suspendu pour dix ans au motif que cette demande d’expertise aurait constitué une manœuvre dilatoire et un acte homophobe[24].
Ce ne sont que quelques exemples d’un phénomène qui risque fort de se généraliser, en particulier si l’Union européenne adopte la proposition de « directive du Conseil relative à la mise en œuvre du principe de l’égalité de traitement entre les personnes sans distinction de religion ou de convictions, de handicap, d’âge ou d’orientation sexuelle ».
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Le témoignage de la liberté et de la vérité passe par l’éducation familiale, mais aussi par la manifestation publique, et si nécessaire par l’objection de conscience.
Grégor Puppinck
Docteur en Droit
Directeur « European Centre for Law and Justice »