Subsidiarité et démocratie

Publié le 09 avril 2013 par Copeau @Contrepoints

Alors que la décentralisation fait débat au Sénat, une réflexion sur la subsidiarité est plus que jamais importante. Mais celle-ci est un droit que redoutent les politiques, synonyme de démocratie directe.
Par Cyril Brun.

C’est un fait que ne conteste ni la droite ni la gauche, l’État n’y arrive pas ! Relancer l’économie, lutter contre le chômage, diminuer ses déficits sont autant de rappels cinglants de l’échec des gouvernements, toutes tendances confondues, depuis des décennies, des siècles mêmes. Depuis, en réalité que l’économie a dépassé le politique, c’est-à-dire depuis que l’État a voulu sortir de ses compétences régaliennes et de son rôle de garant du Bien Commun. Acteur économique important, par son administration, ses commandes, l’État pour diverses raisons idéologiques ou conjoncturelles, politiques ou électoralistes, a d’abord voulu laisser l’économie se gérer seule. C’était la grande idée du XIXème siècle. Puis, comprenant son intérêt, le politique a réinvesti l’économique. Mais ce retour de l’État dans les affaires économiques s’est fait au détriment du rôle premier de l’État de garant du Bien Commun. Acculé, notamment par les guerres et par une gestion électoraliste de son budget, l’État est devenu tellement partie prenante de l’action économique, son devenir s’est tellement lié à celui d’une certaine économie, qu’il s’est révélé incapable de demeurer le garant du Bien Commun. On ne peut en effet être juge et partie. Se rappelant toutefois de son rôle auprès des plus faibles, nourris aussi d’une certaine idéologie marxiste, les gouvernements successifs, toutes tendances confondues, ont, parallèlement à leur implication économique, voulu jouer aux pompiers pour éteindre les conséquences de leur désertion de rôle de garant du Bien Commun. La forme choisie par le pompier pyromane fut celle de l’assistance d’État qui se coulait facilement dans le lit de l’État Providence.

Mais tout cela coûte cher. Les erreurs de gestion, les compromis électoralistes, les perfusions auprès des moribonds se chiffrent en milliards. Des milliards jetés dans un puits sans fond, car en renonçant à son rôle de garant, en jouant aux apprentis sorciers dans un domaine qui n’est pas le sien, en l’occurrence l’économie, l’État ne cesse de creuser ce puits, comme on creuse sa tombe. Et il le fera tant qu’il restera acteur économique avant d’être acteur régalien. Cette inversion des priorités de l’État désoriente l’économie elle-même et lui retire tous les repères qui lui sont nécessaires pour fonctionner normalement. Si en effet l’État ne doit pas s’immiscer dans les affaires économiques, il doit néanmoins lui fixer un cadre légal. Et ce cadre légal pour être juste doit se fonder sur l’Homme. C’est le bien de l’Homme qui doit servir de règle à l’économie. Et l’État est garant du bien de l’Homme. Il lui appartient donc de donner à l’économie les moyens légaux de servir le bien de l’Homme. Rien de plus, mais surtout rien de moins. L’État doit être la boussole de l’économie en lui indiquant toujours le bien de l’Homme. Il ne lui appartient pas de faire à la place des acteurs économiques le bien de l’Homme, mais il lui appartient de défendre et promouvoir ce bien lorsque ce n’est pas le cas. Au fond, c’est l’Homme qui est le principe régulateur de l’économie. Mais ne soyons pas dupes. L’Homme est ce qu’il est et il lui faut bien souvent être remis ou maintenu dans le droit chemin. Pour cela, deux routes s’offrent à lui. L’éducation, qui le rendra libre et donc responsable et la vigilance de gardiens qui lui rappelleront toute sa vie cette exigence du bien de l’Homme. Ce second rôle appartient précisément à l’État. Le pouvoir régalien ne consiste pas à surveiller, mais à veiller sur.

C’est donc à nous, acteurs économiques, de faire ce que nous avons à faire. Et cela nous incombe avec d’autant plus d’acuité que l’État aujourd’hui est démissionnaire. C’est à nous de faire non à la place de l’État, mais de ne plus lui laisser faire ce que nous avons à faire. À nous de reprendre, mais aussi d’assumer notre droit à faire par nous-mêmes ce que nous avons à faire. Ce droit qui est aussi un devoir vis-à-vis de nos concitoyens, a un nom aussi important que celui de liberté car il lui est lié, c’est la subsidiarité. Ne plus se laisser déposséder de ce que nous avons le droit et le devoir de faire en vertu même de notre dignité humaine qui exige de nous une responsabilité et une liberté. Renoncer à ce droit à la subsidiarité, c’est renoncer à notre dignité d’homme libre, responsable et adulte. La subsidiarité est essentielle au renouveau de notre société parce qu’elle place l’Homme, l’être humain, chacun d’entre nous au cœur de l’action économique, politique et sociale. Car comme la liberté a l’esclavage, la subsidiarité aussi a son contraire. Lorsque l’on fait à la place de quelqu’un ce qu’il peut faire, on le déresponsabilise, on l’infantilise, on le réduit à un simple exécutant. La subsidiarité est le contraire de la dépendance et de l’assistanat.

La subsidiarité se niche à tous les étages de la vie et de la société. En famille, au travail, dans les associations, en politique, partout, il s’agit de laisser à l’Homme l’initiative et la responsabilité. L’autorité n’est pas là pour faire à la place, ni même pour déléguer, mais pour veiller à ce que chacun puisse prendre sa juste part à la construction commune. Le niveau supérieur de responsabilité ne commande pas, ne remplace pas. Il supplée aux déficiences ou aux incapacités du niveau inférieur, par la mise en commun des compétences de chacun. C’est parce que la famille ne peut pas assumer seule l’instruction de ses enfants qu’elle délègue cette responsabilité à l’école, qui fait appel à la compétence et à la responsabilité d’autres personnes, qui se mettent au service des parents et donc des enfants. L’école, échelon supérieur, ne fait pas ce que devraient faire les parents, elle fait ce qu’ils ne peuvent faire seuls. Voilà la subsidiarité, voilà comment l’État doit veiller au bien de chacun. C’est donc bien à nous de jouer ! L’enjeu d’aujourd’hui en économie, comme en société est de récupérer notre responsabilité. Il y a un droit à la subsidiarité inséparable de la démocratie et ce droit, il faut le reconnaître, est loin d’être acquis.