Nous nous attardons aujourd'hui sur les performances des sites chinois de commerce en ligne sur les 6 derniers mois.
Dans son 21ème rapport sur l’Internet en Chine, en date du 17 janvier 2008, le CNNIC (China Internet Network Information Center) nous informe que la Chine compte 210 millions d’internautes au 31 décembre 2007, soit la seconde plus large population d’internautes au monde. A cette date, le retard de la Chine sur les Etats-Unis n’était plus que de 5 millions d’internautes.
L’institut d’études américain BDA confirmait d’ailleurs, le 13 mars dernier, que la Chine devrait logiquement surpasser les Etats-Unis en devenant la plus grande population mondiale d’internautes. Ce même institut nous confirme en outre que le boom économique ne faiblit pas en Chine, notamment dans le secteur du e-commerce.
Mais ce secteur, en plein essor, est-il prêt à accueillir une clientèle potentielle de plus en plus nombreuse ? ip-label mesure, depuis plus d’un an, les performances des dix principaux sites de e-commerce dans un environnement « end user », c'est-à-dire de la façon dont un internaute chinois le perçoit, qu’il se connecte depuis Pékin, Shanghai ou Shenzhen.
L’analyse réalisée sur les 6 derniers mois nous permet de constater que des efforts conséquents doivent être réalisés pour proposer un service impeccable, permettant de ne pas « perdre » d’internautes, et donc éviter un manque à gagner énorme, difficilement quantifiable.
Un accès aux sites variable
Un client se rendant dans un magasin, en plein après midi d’un jour de semaine, s’attend à voir les portes s’ouvrir à son arrivée. Dans le cas contraire, il ne manquera pas de se rendre dans une autre boutique, qui bénéficiera tout à la fois d’une transaction commerciale inattendue, et de la possibilité de fidéliser ce nouveau client qui ne se risquera certainement plus à trouver porte close dans un magasin considéré comme peu fiable.
Le e-commerce est confronté à la même problématique, qui est amplifiée par la facilité donnée à l’internaute de naviguer d’un site à l’autre, sans bouger de son domicile. S’il a le choix entre deux sites Internet proposant les mêmes articles à des coûts similaires, l’acheteur en ligne donnera sa préférence au site présentant la meilleure accessibilité, et permettant un confort de navigation maximal.
Le principe de la « porte ouverte » est exprimé en taux d’accessibilité, c’est à dire au pourcentage d’internautes réussissant à accéder aux sites de commerce électronique et à en voir la page d’accueil s’afficher correctement.
Le graphique ci-dessous présente le taux moyen d’accessibilité aux principaux sites chinois de e-commerce, entre octobre 2007 et mars 2008.
Sur la période, le taux d’accessibilité moyen est de 96,17 %, mais est passé sous la barre des 92 % dans la première quinzaine de mars 2008.
Mais que signifie concrètement cette valeur ? Plutôt que de parler d’un taux de réussite d’accès au site, évoquons l’inverse, à savoir le taux d’échec. Ainsi, une valeur de 92 % signifie que, pour 100 internautes ayant tenté de pénétrer dans le magasin virtuel, 8 n’ont pas réussi à franchir les portes.
Pire, si l’étude que nous vous présentons ici ne porte que sur l’accès aux sites, l’usage courant doit encore être moins réjouissant. En effet, une fois passées les portes du magasin, le visiteur doit pouvoir se transformer en acheteur potentiel qui doit pouvoir se balader dans les rayons, choisir des articles, les comparer, les mettre dans son panier, revenir en arrière, remettre les articles en place pour les remplacer par d’autres, passer à la caisse pour finaliser sa commande. Bref, ce que nous faisons tous lorsque nous nous rendons dans un « vrai » magasin…
Un site qui a déjà du mal à accueillir ses visiteurs aura très probablement encore plus de difficultés à leur permettre de réaliser une transaction jusqu’à son terme. Le taux de réussite transactionnelle risque donc d’être encore plus bas.
Un manque à gagner inacceptable…
L’indisponibilité du site peut encore s’exprimer différemment, en manque à gagner.
Prenons un exemple simple. Un site accueille 10 000 visiteurs par jour. 30 % d’entre eux (soit 3 000) procèdent à un achat, pour un panier moyen de 1 000 Yuan chinois (approximativement 92,60 € au 28 mars 2008).
Un taux d’accessibilité de 95 % associé à un taux de réussite transactionnelle de 90 % correspondrait alors à l’équivalent d’un manque à gagner de 435 000 Yuan chinois par jour (environ 40 280 €).
Sur les 10 000 visiteurs, 500 n’ont pu accéder à la page d’accueil du site (soit 5%). Sur les 9 500 restant, 30 % sont prêts à passer commande (soit 2850 au lieu de 3000 si le taux d’accessibilité était parfait). 10 % d’entre eux n’arriveront pas à passer à la caisse (soit 285). Le nombre d’acheteurs potentiels ayant échoué est au total de 435. Le panier moyen étant de 1 000 yuan, c’est donc une perte sèche de 435 000 yuan chinois pour le commerçant qu’occasionnent les faiblesses techniques de son site…
Le Sud plutôt que le Nord
En janvier dernier, nous évoquions dans un précédent article, « Une Chine, deux Internet », que le réseau Internet chinois est coupé en deux et mal interconnecté. Le graphe suivant démontre ce constat flagrant sur les performances enregistrées sur les sites de commerce électronique.
Alors que les habitants de Shanghai ou Shenzhen bénéficie d’un taux d’accessibilité aux principaux sites chinois de e-commerce variant entre 95 et 99 %, depuis Pékin ce même taux ne dépasse que très rarement la barre des 95 %, flirtant même assez fréquemment avec les 90 % (1 internaute sur 10 n’arrive pas à se connecter au site).
Si l’interconnexion des réseaux est directement en cause, il est légitimement possible de reprocher à l’administrateur technique du site de commerce électronique de ne pas faire le nécessaire pour remédier à ces problèmes, par exemple en connectant son site sur les deux principaux réseaux chinois.
Des performances contrastées
Un indice, calculé sur la base des deux indicateurs de performance, permet d’établir un classement des 10 principaux sites chinois de e-commerce sur la période Octobre 2007/Mars 2008.
Ce classement fait apparaître des différences de performances très importantes. Le « n° 1 » du commerce en ligne, Alibaba, enregistre des performances moyennes mais pas catastrophiques. Il n’en est pas de même pour Ebay, Taobao ou Paipai, pour lesquels il faut faire preuve de patience et parfois devoir procéder à plusieurs tentatives pour pouvoir se connecter.
Le contraste entre 5 des principaux pays d’Europe occidentale et l’empire du milieu est saisissant. Le taux d’accessibilité des sites européens se situe au dessus de 98,5 %, et atteint même 99,6 % pour les Pays-Bas, alors que la Chine dépasse à peine les 96 %. Même constat pour la rapidité d’accès au site. S’il faut 1,7 seconde à un internaute français pour voir la page d’accueil s’afficher, il faudra presque 4,5 fois plus de temps pour le visiteur chinois.
Les Chinois sont chaque jour de plus en plus nombreux à rejoindre la toile. Les e-commerçants locaux ont donc toutes les raisons de se réjouir, car la clientèle potentielle augmente proportionnellement. De simple visiteur, l’internaute chinois devrait progressivement se transformer en acheteur occasionnel puis, la confiance aidant, en acheteur régulier.
Ce franchissement d’étapes nécessitera beaucoup de savoir faire de la part du commerçant, à commencer par proposer un site accessible et rapide. La réussite du commerce en ligne commence par une prise de conscience essentielle des problèmes liés aux aspects techniques.
Contrairement à une boutique traditionnelle, qui dispose d’une taille permettant d’accueillir un certain nombre de clients, la boutique virtuelle à cette chance de pouvoir « pousser les murs », afin d’accueillir de plus en plus de visiteurs. Il suffit simplement d’augmenter les capacités des infrastructures matérielles et réseaux pour y arriver.
Avec un magasin « plus grand », le commerçant pourra accueillir de plus en plus de visiteurs, qui deviendront des clients satisfaits…
Par Christophe Depeux - Directeur Asie Pacifique d’IP-Label,
en collaboration avec Alain Petit
pour L'Atelier BNP Paribas
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