Cher Monsieur Monnet,
J'ai lu que le bruit terrible de votre retrait de la vie publique circulait. Comme tous vos admirateurs, je sais que c'est impossible.
Mais s'il vous arrivait de vivre une vie publique moins active, je voudrais que vous sachiez que je considère votre apport capital à la recherche de l'unification européenne, comme l'une des expressions les plus élevées de votre vision et de votre caractère d'homme d'état.
L'unité européenne est une clé de voûte du partenariat transatlantique et de la stabilité globale.
A travers les années, vous avez été pour moi une source constante d'inspiration.
Votre confiance et votre courage vous ont permis de créer des institutions pérennes qui ont concrétisé certaines des plus nobles aspirations de notre civilisation.
Depuis votre travail à la Société des Nations jusqu'à votre soutien au plan Marshall et à la communauté européenne, vous m'avez toujours impressionné par votre capacité à influencer les hommes et les événements aidé de votre seule sagesse et de votre force de persuasion, sans même recourir au moyen plus habituel du mandat électif.
Votre insistance constante en faveur de la coopération transatlantique était en avance par rapport au renforcement actuel du dialogue sur nos problèmes communs, que je crois si important en cette ère d'interdépendance.
Vous appartenez à une génération de chefs mondiaux - une génération qui, de mon point de vue, a placé la barre très haut du point de vue de la créativité et de l'engagement, qui sont aujourd'hui nécessaires.
Je suis très désireux de pouvoir continuer d'apprendre à vos côtés en continuant à promouvoir nos espoirs communs, aussi bien politiques qu'économiques, des deux côtés de l'Atlantique.
Sentiments les plus chaleureux,
Henry Kissinger
C'était le 26 avril 1975. C'est dans la nouvelle série de télégrammes diplomatiques américains mise en ligne par wikileaks. Une façon d'inviter les curieux à aller y voir.