« I hate artist statement. I really do ». Iris Jaffe
Je me demande si cet anti-statement élaboré par Iris Jaffe dans ce superbe article paru le 29 mars dernier sur le site Hyperallergic est généralisé. J’ai l’impression que oui. J’ai toujours eu cette impression. Enfin, au moins depuis que j’ai entamé mes études en histoire de l’art. L’élaboration d’une démarche artistique n’est pas vraiment vécue comme un moyen pour communiquer ses intentions et son processus créateur à un spectateur. C’est plutôt une manière de réconforter l’historien d’art, le muséologue ou encore le commissaire. De parler leur langage, à eux. De normaliser son propre travail. De l’inscrire quelque part dans la « tradition ». Car même l’originalité doit être justifiée selon un bagage conceptuel. Même l’intuitif doit se revendiquer d’une direction.
Et pourtant, perso, les démarches artistiques, ça m’emmerde un peu. J’adore lire ce que les artistes ont a dire sur leur travail, ne vous méprenez pas. Si ce n’était pas le cas, je ne ferais pas avec autant d’amour et d’intérêt mon travail d’intervieweuse. Justement, l’interview est l’une des alternatives proposées par l’auteur pour remplacer la fameuse démarche artistique. Il est vrai que de petites merveilles émergent souvent du dialogue. Dans ce genre d’échanges, le texte est vivant. Il forme moins une explication qu’un ajout aux œuvres. Dans l’idéal, l’interview est enrichissant pour tout le monde! Mais, au fond, ce qui me dérange dans la démarche artistique, c'est sa normalisation et, par ricochet, son uniformisation : oui, il existe des manuels pour écrire des démarches artistiques.
De la même manière, je n’ai jamais considéré mon travail d’historienne de l’art comme un travail purement conceptuel. Je travaille avec des « choses », moi aussi. Je juxtapose des textes, mais aussi des images, des vidéos, des sons. Ce sont ces rencontres qui me font réfléchir et non l’inverse. Que je doive justifier cette démarche par une méthodologie m’apparait tout à fait normal dans la mesure où je « fais » de la théorie. J’explique ce que je fais. Mais dans l’élaboration de cette méthodologie, il est important de rappeler que je « fais » avant de pouvoir expliquer ce qui est fait. C’est ma curiosité qui me guide, qui fait de moi une véritable collectionneuse d’artéfacts! C’est pourquoi j’aime tant la plateforme Artstack qui me permet à la fois de découvrir des œuvres et des images, de les commenter, de les stocker, de les faire connaitre et, surtout, de les réunir dans des collections.
C’est ce genre de pratique qui me permet de garder le flux actif, d’innover, de développer ma pensée, mais surtout de garder ma bonne humeur. C’est précisément la justification de celle-ci qui me limite et me rend un peu morose. Je me suis toujours dit que si je devais passer au moins six ans de ma vie à faire un doctorat et que, si comme le prétendait cette Docteure en littérature extrêmement frustrée, je devais ne pas me trouver d’emplois par la suite, le chemin, lui, devait être le plus délectable possible. C’est comme ça, moi, que j’évite le « désastre émotionnel ».
Le mensonge créatif, ça ressemble à ça :
La démarche artistique, c'est plutôt ça :
Non, devant une oeuvre d'art (et même devant un travail théorique), je n'ai pas envie d'être réconfortée!