Le journaliste et conseiller de Nicolas Sarkozy, Patrick Buisson, a été interrogé dans Le Figaro Magazine. Un texte de grande acuité.
Gauche contre Civilisation. Crédits : Délits d’im@ge
Extraits :
« Le débat suscité par le projet de loi sur le mariage homosexuel, grand marqueur sociétal de ce début de mandat, aura été surtout marqué par l’affirmation conjointe d’un néolaïcisme tapageur et d’un antichristianisme particulièrement agressif. Toujours prompt à dénoncer les « dérapages », le tribunal médiatique de la non discrimination, et plus généralement tous ceux qui font de la politique un département de la morale, n’ont pas cru devoir pointer la christianophobie ambiante de la manifestation du 27 janvier en faveur du mariage gay, pourtant bien lisible sur d’innombrables pancartes.
Dans le régime disciplinaire de l’intégrisme laïque, les portes de la « cage aux phobes », selon la formule de Philippe Muray, ne se referment pas indistinctement sur toutes les phobies. Outre la volonté d’abolir symboliquement la nature et d’effacer l’altérité sexuelle, la haine du catholicisme dénoncé comme l’ennemi numéro 1 du genre humain aura été l’arrière texte de bien des discours célébrant la conquête de « nouveaux droits » et le primat de la logique contemporaine de l’affectivité. Le tout sur fond d’athéisme d’Etat de plus en plus prégnant.
Entre la plaisanterie indigne de François Hollande à propos de la renonciation de Benoît XVI et la provocation-profanation des Femen exhibant leurs seins nus à l’intérieur de Notre-Dame de Paris, il n’y a qu’une différence de degré et non de nature. [...]
Quand l’homme cesse d’être un être de religion, son potentiel de religiosité, son besoin de croire n’en sont pas pour autant appelés à disparaître. Ils se trouvent disponibles pour d’autres investissements. Ce que l’excellent Chesterton résumait ainsi : «Quand on cesse de croire en Dieu, ce n’est pas pour croire en rien, c’est pour croire en n’importe quoi. »
La volonté du laïcisme de supplanter totalement et définitivement la religion l’a conduit en fait à se modeler sur elle. A s’ériger en « métaphysique d’Etat », disait Péguy. D’où l’avènement d’une religion séculière qui est sortie du retrait du divin: la religion de l’humanité, autrement dit le règne de l’immanence, où l’homme ne trouve plus qu’en lui-même sa finalité. C’est cette religion-là, façonnée par l’ambition démiurgique de la gauche qui, après bien des avatars, se trouve aujourd’hui au pouvoir. Emblématique de sa domination temporelle est la présence d’un homme comme Vincent Peillon qui, au ministère de l’Education nationale, se réclame de Ferdinand Buisson, l’un des pères fondateurs du laïcisme sous la IIIe République,prônant une sorte de déisme humain et de religion du salut terrestre. [...]
Depuis la fin du XXe siècle, cette religion, socle de l’extension indéfinie des droits de l’homme, est devenue une religion d’Etat, une religion officielle qui s’impose à toute la société civile par le biais d’un appareil réglementariste, coercitif et répressif d’une ampleur inégalée. Plus que de « politiquement correct», il faudrait parler de« religieusement correct » tant l’Etat fonctionne ici comme une Eglise acharnée à traquer la liberté de pensée.
Le grand paradoxe est que cet Etat qui s’est mis au service d’une croyance religieuse séculière ne respecte plus aucune séparation du politique et du religieux, puisqu’il est à la fois le politique et le religieux. Un droit pénal religieux, une nouvelle prêtrise judiciaire sanctionnent toute désobéissance, tout manquement public, comme autant de blasphèmes et de sacrilèges envers les nouveaux dogmes. Finalement, le laïcisme aura été le grand liquidateur de la laïcité qui était la juste distinction du temporel et du spirituel établie par la parole christique sur les deux royaumes, fondement même du dualisme chrétien. [...]
Notre système providentialiste maximal de justice distributive a une limite, qui est celle de son financement et du déficit abyssal de nos comptes sociaux. D’un point de vue historique, qui peut contester que l’Etat providence a fonctionné comme un puissant agent de déliaison ? La socialisation du risque n’a pu éviter le risque de la désocialisation.
En sécurisant les individus, elle les a dispensés de l’entretien des appartenances familiales ou communautaires, des solidarités de proximité qui étaient l’apanage de la vieille civilisation chrétienne. Au total, ce système aura fabriqué moins de solidaires impliqués que de solitaires assistés. Qu’adviendra-t-il si l’assistance de l’Etat fait un jour défaut, alors même qu’elle est déjà impuissante à empêcher la pauvreté de s’étendre ? »