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[Critique] EFFETS SECONDAIRES de Steven Soderbergh

Par Celine_diane
[AVEC spoilers – ne pas lire avant d’avoir vu le film] 
[Critique] EFFETS SECONDAIRES de Steven Soderbergh Il y a dans les 35 premières minutes d’Effets secondaires, le concentré parfait du cinéma de Soderbergh. Une réjouissante demi-heure d’ouverture, carburant à la froideur caractéristique du cinéaste, qui mixe ses obsessions formelles et thématiques : un New-York sous cloche, gangrené par un capitalisme sans pitié, une solitude sans fin dans l’espace urbain-prison, et, une critique d’une société sur médicamentée, au consumérisme tellement insatiable qu’il a dévoré jusqu’au cœur ses hommes et ses femmes. Les 35 premières minutes dévoilent une intrigue que l’on s’imagine socio-engagée, façon Erin Brokovich, et explorent un monde apathique à l’aide de plans tableaux minutieux renvoyant l’humanité à sa déprime. Sens de la symétrie et décors de verre glacé font alors écho à l’ordre établi que personne ne conteste, aux sentiments préférés amorphes plutôt que destructeurs, possiblement menaçants à l’heure où les actions en bourse et les traders décident du sort des masses. Le pouvoir est dans les mains de ceux qui parviennent à maintenir éteints les libres arbitres et les émotions : la chimie des industries pharmaceutiques, les discours des psychiatres, la toute puissante du billet vert. Soderbergh y dépeint une figure féminine aussi belle qu’atone (comme pouvait l’être l’héroïne de son Girlfriend experience), Emilie (Rooney Mara), qui du haut de ses vingt-huit ans, a perdu et son sourire et tout goût de vivre. Ce n’est que dans les mains du Dr. Banks (Jude Law) qu’elle retrouvera un simili de bonheur - libido, énergie, appétit lui revenant miraculeusement grâce à la prescription entêtée d’un nouvel anti-dépresseur dont les vertus sont vantées dans toutes les publicités du pays. Jusqu’au jour où elle tue son mari (Channing Tatum), en proie à une mystérieuse crise… Effets secondaires du dit médoc ? Machination sournoise ? Autre chose? Attention, twist. 
Soderbergh opère dès lors un virage à 180° et quitte les routes toutes tracées du film à charge pour celles du thriller 90’s. Les ombres de De Palma (et son Passion), d’oeuvres telles Liaison Fatale, ou encore Basic Instinct, se mettent à planer sur cet Effets secondaires qui réitère l’effet de surprise dont le cinéaste aime emballer ses films. A l’instar de son récent Contagion, qui osait la véracité documentaire là où l’on attendait du blockbuster, ou de son expérimental Bubble, qui sacrifiait son atmosphère de polar pour une chronique sociologique plus amère, le dernier film de l’auteur que l’on verra au cinéma (c’est lui qui le dit) change brutalement (et malheureusement) de cap. A l’heure de tourner la page, Soderbergh préfère se faire hara-kiri avec un scénario à tiroirs plutôt convenu (signé Scott Z. Burns) plutôt que de poursuivre le combat initié à l’ouverture. Comme s’il lâchait les armes. Cette seconde partie, bien plus faiblarde, offre (certes) de bonnes choses (l’idée d’une femme fatale manipulatrice qui utilise le système pour bluffer son monde et empocher le pactole), mais finit hélas par se perdre dans de monstrueux coups de théâtre (la palme pour le passage lesbien, franchement ridicule). A la fin, c’est toujours un même schéma qui ressasse les mêmes angoisses d’un monde malade et à la dérive, machine sans âme qui tourne à vide, terre de toutes les déprimes et étrangetés. On sent bien que Soderbergh a épuisé jusqu’à l’os son concept artistique aux accents misanthropes, ne sachant plus trop comment faire pour surprendre son auditoire. Tout a une fin, semble-il. Même le désespoir. 
[Critique] EFFETS SECONDAIRES de Steven Soderbergh

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