Pierre Collier (Lambert Wilson), psychanalyste de son état meurt assassiné dans la maison du sénateur Henri Pages (Pierre Arditi) au cours d'un week-end réunissant toute la famille. Sa femme, Claire (Anne Consigny), arrêtée un revolver à la main, à côté de la victime, est la première à être soupçonnée ayant de surcroît des raisons de se venger de son mari volage, amant d’Esther (Valeria Bruni-Tedeschi), ancien amant de Léa (Catherine Murino), son amour de jeunesse, invité surprise du week end flanqué de son homme à vraiment tout faire Michel incarné par Dany Brillant . L’arme que tenait Claire au moment de son arrestation n’est pourtant pas l’arme du crime. Un deuxième meurtre va survenir. Chaque invité devient alors un coupable potentiel. Le lieutenant Grange (Maurice Bénichou) est chargé de résoudre l’enquête.
Tous les ingrédients d’une bonne recette scénaristique sont là et pourtant…et pourtant ce qui aurait dû être une exquise dégustation devient une marmite presque dépourvue de saveurs à vouloir en mélanger trop. Etonnant de la part de celui qui est un scénariste émérite notamment de Téchiné (« Le lieu du crime », « Les Innocents ») et de Rivette (« Va savoir » …) notamment et qui a fait ses armes aux Cahiers du cinéma où le classicisme, qui domine dans ce film aussi peu novateur dans le fond que la forme, était et est banni et d’autant plus qu’il s’agit ici d’un film de commande et que Bonitzer aurait pu se réapproprier la liberté dont il était dépourvu dans le choix du sujet, dans son traitement. Il est vrai que Pascal Bonitzer est un jeune réalisateur puisque son premier film en tant que réalisateur « Encore » date de 1996, il a également réalisé le corrosif « Rien sur Robert » ou plus récemment « Petites coupures » et « Je pense à vous ».
Il a ainsi d’abord choisi de franciser et d’actualiser Agatha Christie comme la plupart de ses prédécesseurs qui l'ont adaptée (ses héritiers ayant autorisé depuis quelques années seulement à ce que les adaptations se déroulent à une époque différente de celle à laquelle se situent les romans et nouvelles de cette dernière). L’intrigue adaptée temporellement et géographiquement se déroule donc en France, de nos jours. Histoire d’amour et criminelle, farce et thriller, comédie et drame, réflexion sur la mémoire et la passion dévastatrice : ce film oscille constamment entre plusieurs styles et thèmes pour malheureusement n’en choisir aucun et finalement noyer le spectateur, ne l’intéresser ni aux unes ni aux autres. Seul le personnage de Lambert Wilson pourtant seulement présent dans la première partie du film existe vraiment et semble avoir intéressé les scénaristes (Pascal Bonitzer a écrit avec Jérôme Beaujour), les autres sont condamnés à de la figuration en raison des contours imprécis de leurs personnages (parfois d’ailleurs sans aucun intérêt ou aucune incidence sur l’intrigue) malgré tout le talent et toute la bonne volonté de leurs interprètes. Tout le monde n’est pas François Ozon qui a su si bien servir chacune de ses 8 comédiennes et personnages et mêler les genres avec virtuosité. Les liens entre les membres de la famille sont ici plus flous et imprécis que réellement énigmatiques et au lieu de nous intriguer cela nous détache de l’histoire de même que le morcellement de l’image, la structure scénaristique éclatée et l’éclatement des personnages dans le cadre (résultant de la volonté du réalisateur de créer un puzzle ludique, à l'image de l'affiche), ainsi que le renoncement au huis-clos, habituel dans les adaptations d’Agatha Christie, créant ainsi une distance, nous évadant du cadre et de l’intrigue. Pierre Collier, la victime du premier meurtre interprété par Lambert Wilson, travaille par ailleurs sur la mémoire, s’allongeant d’ailleurs sur son propre divan et faisant des lapsus révélateurs, thème qu’il aurait peut-être été intéressant d’approfondir.
Cela avait pourtant bien commencé : une fausse insouciance et nonchalance. Un ton décalé, de la dérision faussement dérisoire. Une grande demeure bourgeoise isolée où foisonnent les armes à feu. Des invités déjantés. Une tension latente. Quelques plans et répliques qui nous mettent l’eau à la bouche. Des coups de feu qui font sursauter, des plans furtifs d’ustensiles tranchants, la mort qui rode évoquée en riant, jaune. Un personnage aussi séduisant qu’antipathique. Une femme fatale. Des personnages à fleur de peau. Ou cyniques. Ou désinvoltes. Un savant mélange normalement détonant. Tous les personnages sont pourtant ici ou outrancièrement mélodramatiques ou totalement anecdotiques ou juste destinés à faire (sou)rire, sans réelle implication sur l’intrigue, alors qu’habituellement dans Agatha Christie, le caractère ludique veut que chacun soit un coupable potentiel avec un mobile et que le rôle comique soit dévolu à Hercule Poirot que Bonitzer a ici supprimé et remplacé par l’inspecteur interprété par le pourtant truculent Maurice Bénichou.
Bonitzer semble avoir eu peur d’oser : d’oser traiter la passion dévastatrice, d’oser assumer complètement le côté farce, second degré, granguignolesque. Et ce qui aurait dû être amer ou acide se révèle malheureusement finalement fade.
Malgré tout, ce « Grand alibi » se suit sans ennui, d’abord parce qu’il crée une attente qui malheureusement subsistera jusqu’à la fin, nous laissant sur notre faim, ensuite grâce au duo comique et presque burlesque Miou-Miou/Arditi qui donne lieu aux répliques les plus cinglantes et réjouissantes du film.
Vous ne pourrez plus me dire que vous manquez d’alibi pour ne pas aller voir ce film ou si tel encore le cas je pourrais peut-être vous donner le nom du meurtrier qui est… Ne vous avais-je pas dit que ce film traitait aussi d’amnésie soudain (heureusement ?) contagieuse ?:-)
Vous pourrez également trouver un article sur cette avant-première sur « Cinémaniac ».
Sortie en salles : le 30 Avril