Allez comprendre pourquoi, mais on a un faible pour Clive Owen... Shadow Dancer ne nous comblera pas entièrement sur ce point-là, car c'est Andrea Riseborough qui tient vraiment la vedette ici. Nous sommes dans les 70's (début 80's ?), la Grande-Bretagne se bat avec le problème irlandais, et c'est le parcours d'une "taupe" que nous suivons ici, une mère de famille, membre active, mise en situation intenable entre la menace de la prison et celle de ses frères d'armes pour qui la mort est une arme courante. Shadow Dancer est un thriller d'espionnage sobre, calme et tout en nuances, rappelant effectivement à bien des égards l'excellentissime La Taupe. Shadow Dancer impose discrètement, tout au long de sa découverte, de nombreux atouts...
Le contexte politique est celui de l'indépendance revendiquée à coup d'attentats de l'armée révolutionnaire irlandaise... Les familles irlandaises de ceux qui se battent pour la "cause" vivent avec la peur de perdre un fils, et c'est ce même engagement qui amènera Collette à risquer de perdre son fils et la poussera à servir d'informatrice infiltrée. Entre la prison, trahir ses compagnons d'armes et risquer sa propre vie, Collette est au centre de Shadow Dancer, son personnage transpire le mal-être et semble à tout moment pouvoir être broyée par les pressions autour d'elle. Face à elle, Mac, l'agent du MI5, se laisse toucher par sa situation et développe une forme de compassion (qui ne l'empêchera cependant pas de participer activement à la pression sur collette !), voire une sorte d'intégrité et de devoir de protection envers elle... Shadow Dancer explore alors ce lien particulier entre eux, et plaque derrière son récit une forme d'intimité qui lui donne une réelle intensité.
Avec sa belle image 70's et son rythme lent (trop sans doute penseront beaucoup !), Shadow Dancer sors des sentiers habituels en créant un climat assez pesant. Menace constante, froid glacial de ses personnages (en apparence), la tension de Shadw Dancer se cache dans ses non-dits, dans ce qu'il ne montre pas dans son cadre : et ça fonctionne ! Bien qu'il revête des allures de "film mou" (peu d'action, peu d'enjeux de suspense : vous voilà prévenus), il installe une tension des plus réussies, en créant un univers oppressant et anxiogène où la violence peut surgir en permanence. Entre deux clans de "loups" qui se font face, Collette est au milieu, exposée, sacrifiée presque, et Shadow Dancer joue habillement sa carte en déplaçant la question du "qui va la manger" ou du "pourquoi", vers un "quand" plutôt malin et habilement mis en scène.
Shadow Dancer, dégage une tristesse et un aspect sombre tout à son avantage. Par son côté minimal (presque minéral avec ses couleurs et ses mouvements lents), et l'hostilité généralisée, incarnée par des personnages durs, tous proportionnellement haïssables, ainsi que par son bourbier politique inextricable, impose une ambiance et un décorum finalement assez passionnant. Commençant par dépouiller le genre auquel il appartient (espionnage, thriller...) de ses repères habituels, il recréé ensuite une dramaturgie toute à lui et propose sous des apparences simples et calmes (enfin... c'est relatif quand même !) un film fin, traversé de personnages inquiétants, pleins de contradictions, aux ressorts psychologiques faussement basiques. Méticuleux, précis, un peu "ambient", quelque part contemplatif, plutôt beau, original et fort bien interprété, Shadow Dancer n'est sans doute pas une réussite absolue, mais mérite toute votre attention ! Ce qui rend Shadow Dancer largement estimable n'est pas dans ce qu'il montre, mais dans ce qu'il ne montre pas au spectateur, ce qu'il tait... : là où on pourrait y voir un manque de conviction, un flottement généralisé, ou un manque d'énergie, nous, nous y avons au contraire trouvé beaucoup de soin, et finalement beaucoup d'intelligence.
Procurez-vous Shadow Dancer ou d'autres films de James Marsh ou avec Clive Owen, Andrea Riseborough, Aidan Gillen ou Gillian Anderson