L’année des secrets d’Anjana APPACHANA

Par Lecturissime

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L’auteure :

Née au sud de l’Inde, dans l’État du Karnataka, Anjana Appachana vit aujourd’hui entre l’Arizona et Delhi. Après Mes seuls Dieux, elle pousuit une investigation quasi sociologique de l'imaginaire indien en y ajoutant cette ampleur intimiste, frémissante de nuances, qui nous rend si proches de ses personnages. En rupture avec les conventions, Anjana Appachana place le lecteur au coeur même de la sensibilité féminine indienne.  (Présentation de l’éditeur)

L’histoire :

Tout commence à travers la vive émotion de Mallika, une fillette entourée et choyée dans une famille indienne qui eût été traditionnelle sans l’absence du père. Padma, sa mère adorée, garde depuis des années un brûlant secret. Mais elle n’en est pas la seule détentrice. Tout au long de ce roman polyphonique, chacune – mère, tante, amies ou voisines – nous révèle une part du mystère, plus ou moins assaisonné de fantaisie, comme le ferait une cuisinière jalouse de ses recettes.

Dans ce roman bruissant d’échos, l’intrigue semble se nourrir, à l’indienne et par maints jeux de miroir, des passions dévorantes, rendez-vous manqués et portes dérobées des grands romans victoriens. Et le secret des secrets finit par nous apparaître comme une promesse d’histoires – une fresque haute en couleurs et terriblement féministe.

On retrouve avec L'année des secrets l'auteur de Mes seuls dieux qui déjà nous donnait à vivre et à aimer l'Inde d'un point de vue éminemment romanesque de la fmme sur les chemins escarpés de sa libération. (Présentation de l’éditeur)

Ce que j’ai aimé :

Foisonnant, nous emportant dans l'intimité d'une famille aux secrets bien gardés, L'année des secrets est un roman résolument très prenant. Différents points de vue se croisent pour nous conter l'histoire de la jeune Prada amoureuse et prétendûment veuve. Ce changement de points de vue permet de mettre en avant les strates de secret préservés qui éloignent peu à peu les êtres de la vérité. Les personnages sont ainsi amenés à construire leur propre vérité, et quand finalement d’autres données viennent ébranler l’univers fragile construit avec le temps, l’équilibre instable risque de s’effondrer.

Les femmes sont au cœur du roman tissant des thèmes comme le mariage, la condition des femmes en Inde mais aussi plus largement le statut de femme mariée qui oblige la femme à faire des sacrifices et à laisser de côté certaines de ses passions, certains aspects de sa personnalité. Ces femmes se font agresser dans la rue, sont bien souvent victimes des hommes, victimes aussi de la famillle, obligées de se répéter à longueur de journée comme un mantra "Contrôle-toi"


 "La mesure. C'était ça, le bonheur. (...) Ce n'était pas le ravissement, mais le calme, il n'aiguisait pas les sens mais les émoussait. C'était ce lieu intermédiaire que tout un chacun devait découvrir pour vivre." (p. 178)

"Comment expliquer à Mallika, à l'aide de mots simples, l'erreur des femmes qui attendaient de leur mari et de la famille de leur mari les mêmes gestes d'amour que ceux si naturellement reçus de leur propre famille ? Comment lui dire que l'amour etre hommes et femmes, de par sa nature même, était corrompu ? Qu'il revêtait une apparence dorée dans les livres, les films, la mythologie, dans l'éclat même de la cérémonie du mariage, du mensonge que vivait chaque femme mariée et des sourires qu'elle arborait." (p. 252)

Les hommes sont en effet bien souvent faibles, soumis à une pression familiale à laquelle ils refusent d'échapper, égoïstes, ne voyant pas ou si peu la tristesse dans le regard de leurs femmes.

Les secrets sont bien gardés au fond des cours par ces femmes fortes solidaires...  

Ce que j’ai moins aimé :

Un peu trop de rebondissements mélos vers la fin, le roman aurait gagné à être un peu moins long. De plus le dénouement est quelque peu décevant après tant d’actions et de mouvements.

Premières phrases :

« A cette époque enfouie et lointaine, vivaient sous notre toit ma mère, constamment affligée, sa sœur, vive et enjouée, et mon père, absent, à qui donnait corps le terrible silence de ma mère. Notra maison était un puits rempli de cette absence et de ce silence, et c’est dans ces eaux-là que mon histoire commença. »

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Du même auteur : Mes seuls dieux

Autre :  La colère des aubergines de Bulbul SHARMA

L’année des secrets, Anjana Appachana, Traduit de l’anglais (Inde) par Catherine Richard, Zulma, 2013, 608 p., 24.80 euros