Obamacare a trois ans déjà, l'occasion de faire un bilan des effets de la loi sur l'assurance-maladie et l'emploi.
Par Michael D. Tanner(*), depuis les Etats-Unis.
Un article de la National Review, traduit par Lucas Heslot pour le Bulletin d'Amérique.
La Loi pour la protection des patients et des soins abordables, alias Obamacare, fêtera ses trois ans cette semaine. Mais contrairement au bon vin, elle vieillit mal. Un torrent d’études et de rapports ont récemment fourni de nouvelles preuves — comme si nous en avions encore besoin — pour rappeler qu’à peu près tout ce qui a pu en être dit était faux.
Comparez ces promesses à ce que nous avons découvert sur cette loi ces deux derniers mois :
“Si vous aimez votre médecin, vous pourrez garder votre médecin, c’est tout. Si vous aimez votre assurance santé, vous pourrez garder votre assurance santé, c’est tout.” — Président Obama, le 15 juin 2009.
Il est de plus en plus difficile pour les citoyens de faire ce que le Président a promis. Selon le cabinet californien de conseil en soins de santé HealthPocket, dans une étude publiée ce mois-ci et portant sur plus de 11 000 contrats d’assurance du marché des particuliers, moins de 2% des contrats actuels sont conformes aux exigences de prestations de la loi. Alors que ceux-ci sont techniquement des droits acquis, autorisant pour l’instant les gens à les garder, n’importe quelle révision ou changement dans le contrat exige de la couverture de se conformer à la loi, même si cela implique une hausse de prix incluant de nouvelles prestations inutiles. Par ailleurs, puisque les contrats non-conformes ne peuvent accepter de nouveaux clients, la plupart des couvertures existantes vont sûrement disparaître, obligeant leurs actuels clients à en changer.
La même chose s’applique à la plupart des contrats professionnels, particulièrement pour les employeurs de petites entreprises. Dans une enquête se penchant sur les PME, la Fédération Nationale des Entreprises Indépendantes (NFIB) a découvert que 12% des sociétés ont déjà été averties du fait que leur couverture actuelle sera annulée ou non renouvelée pour non respect des exigences de l’Obamacare.
Dans le même temps, le Bureau au Budget du Congrès (CBO) a revu ses prévisions du nombre d’Américains qui se verront séparés de l’assurance maladie de leur employeur, les faisant passer de 4 à 7 millions.
Et cela pourrait aussi devenir de plus en plus difficile de garder votre médecin, ou au moins de pouvoir le voir assez rapidement. Parce que la loi restreint les possibilités de remboursement au médecin, la médecine pourrait devenir une profession moins attrayante. Une recherche sur les médecins conduite par Deloitte a trouvé que 59% d’entre eux s’attendaient à voir certains docteurs partir en retraite anticipée à cause de la loi sur l’assurance maladie, ainsi que voir les autres réduire leurs heures.
Au même moment, en augmentant les couvertures, l'Obamacare va augmenter la demande pour les services d’assurance santé. Il n’est pas nécessaire d’être un génie en économie pour prédire ce qui arrive si vous augmentez la demande tout en réduisant l’offre dans un marché où le prix ne peut s’ajuster : vous obtenez des pénuries. Mais si vous désirez une preuve, regardez le Massachusetts, où, sous Romneycare (N.d.t : le projet de santé mis en place par le Gouverneur et candidat à la présidentielle 2012 Mitt Romney), la moyenne du temps d’attente pour voir un médecin de premiers-soins est passé de 33 à 55 jours.
“Cette loi va faire baisser les prix et rendre la couverture plus abordable pour les familles et les petites entreprises.” — Président Obama, le 22 juin 2010.
On peut pardonner au président Obama d’avoir déclaré dans un des débats présidentiel de 2008 que la réforme de la santé ferait économiser à chaque famille 2 500 dollars par an en prime d’assurance. Cette loi, avec tous ses compromis, peut être différente de ce qu’il aurait imaginé à ce moment là. Mais comme le montre la citation ci-dessus, le Président a prononcé des déclarations similaires depuis que la loi est passée.
Les prix de l’assurance santé ont en effet augmenté moins vite ces trois dernières années, un fait que l’administration a crié haut et fort. Mais presque tous les observateurs attribuent ce ralentissement à la récession. La plupart des analystes, mêmes ceux du gouvernement, s’attendent à ce que les prix des assurances santé augmentent beaucoup plus fortement à l’avenir.
Et malgré le ralentissement général de la hausse des prix, les primes s’apprêtent à monter en flèche. Selon le Wall Street Journal, les assureurs nous préviennent que la promulgation de certaines dispositions de la loi l’an prochain pourrait doubler les primes de certaines personnes ou petites entreprises. Bien-entendu, ce sont les scénarios les plus pessimistes, mais il n’y a aucun doute sur le fait que cette loi augmente les primes des petites entreprises ou de ceux qui souscrivent eux mêmes à leur propre assurance. Les jeunes en bonne santé (et les entreprises avec de la main-d’oeuvre jeune et en bonne santé) subiront les plus augmentations les plus importantes.
Bien sûr, les défenseurs de cette loi pointent le fait qu’une partie de l’augmentation du prix sera compensée par les nouvelles subventions que celle-ci prévoit. Mais cela ne fait que déplacer le fardeau des clients vers le contribuable. Le coût moyen prévu d’une subvention augmentera en 2014 de 700 dollars (comparé aux estimations de l’année dernière), et dépasse maintenant les 5 500 dollars. En effet, selon le Bureau au Budget du Congrès, le prix total des subventions d’Obamacare a augmenté de 125 milliards d’une année sur l’autre, par rapport aux estimations initiales.
“Cette législation va aussi baisser les prix pour… le gouvernement fédéral, réduisant notre déficit de prêt de 1 000 milliards dans les deux prochaines décennies. C’est payé. C’est financièrement responsable.” Président Obama, sur sa signature du Affordable Care Act.
On se demande comment les défenseurs de l'Obamacare peuvent continuer à déclarer de telles choses tout en restant sérieux. Il est évident, depuis longtemps, que les coûts du projet de loi ont été grossièrement sous-estimés, laissant de côté plus de 115 milliards de dollars de coûts de mise en oeuvre, ou par exemple le comptage en double des économies sur Medicare, et en s’appuyant sur des économies que même les analystes du gouvernement pensent peu probables.
Le sénateur Jeff Sessions, dans une analyse basée sur des informations fournies plus tôt ce mois-ci par le service d’audit du Congrès (le Government Accountability Office), a découvert que l’Obamacare augmenterait la dette nationale de 1 400 milliards dans les dix prochaines années, et de 6 200 milliards sur 75 ans. C’est vrai, comme l’a fait remarquer le GAO, que ce n’est qu’une interprétation des données (bien qu’ils la considèrent “raisonnable”), mais le scénario que le sénateur Sessions énonce reflète les préoccupations exprimées par les agents liés à Medicare. Le Bureau au Budget du Cognrès et le bureau du président des actuaires admettent que les mécanismes visant à limiter les coûts liés à la loi sur l’assurance maladie ne tiendront pas au fil du temps. Même si l’analyse du sénateur Sessions est invalidée par quelques centaines de milliards, il est exagéré d’appeler l’Obamacare “financièrement responsable”.
“C’est pour l’emploi… Cette loi va créer 4 millions d’emplois, et 400 000 emplois quasi-immédiatement.” Nancy Pelosi, le 25 février 2010.
Pendant ce temps, les preuves continuent de tomber, démontrant que l’Obamacare est destructeur d’emploi. Par exemple, une nouvelle étude de la Fédération Nationale des Entreprises Indépendantes prédit que l’Obamacare se résultera par une perte de 146 000 à 262 000 emplois dans le secteur privé d’ici 2022, avec 59% des pertes venant des petites entreprises. C’est approximativement 20 000 emplois perdus en plus que ce que la NFIB avait précédemment prévu, en 2011.
Une autre étude récente, de l’International Franchise Association, prévient que l’Obamacare met plus de 3,2 millions d’emplois en situation précaire, particulièrement dans les secteurs de la restauration. Jusqu’à un tiers des emplois franchisés dans chaque État pourrait être détruit, les plus touchés étant la Californie, la Floride et la Pennsylvanie.
Encore pire, l’édition de mars du “livre beige” de la Réserve Fédérale, une compilation de sondages régionaux liés à l’économie, signale que les employeurs continuent de citer l’Obamacare et l’incertitude sur la hausse du coût de l’assurance maladie comme une raison de ne pas embaucher à la suite de la récession. “Les employeurs de plusieurs districts,” nous dit le rapport, “ont cité les effets inconnus de l’Affordable Care Act comme une explication aux licenciements prévus et à leur réticence à engager plus de main d’oeuvre.”
Il est difficile d’imaginer comment l’Obamacare pourrait un jour créer de l’emploi, considérant l’énorme fardeau qu’il fait porter au secteur privé. Selon une étude publiée cette semaine par l’American Action Forum, la loi sur l’assurance maladie a déjà pour résultat d’ajouter plus de 111 millions d’heures en paperasse administrative aux entreprises américaines, et au prix de plus de 30 milliards de dollars. Ce sont 30 milliards qui ne seront pas consacrés à la création d’emploi.
Bien sûr, cela ne prend pas en compte les effets des 1 000 milliards de nouvelles taxes que l’Obamacare impose dans les dix prochaines années.
“Une assurance maladie abordable et de qualité pour tous les Américains” — Premier intitulé du Patient Protection and Affordable Care Act
Tous les Américains? On en est loin. Les dernières estimations du Bureau au Budget du Congrès suggèrent qu’en 2023, plus de 30 millions d’Américains seront toujours dépourvus d’assurance. Pour tout le dérangement et les coûts causés par l’Affordable Care Act, plus de la moitié des non assurés d’aujourd’hui ne le seront toujours pas dans dix ans. De plus, seulement 25 millions d’entre eux bénéficieront d’une assurance décente (et subventionnée). Les 12 millions restant sont tout simplement renvoyés à Medicaid, pas vraiment connu pour la qualité de ses soins (les bénéfices des patients de Medicaid sont en fait, selon certaines mesures, pires que ceux des non assurés). D’après le CBO, d’ici la fin de la décennie, près de 11 millions d’américains ne bénéficieront plus d’une assurance maladie privée et non subventionnée.
Une fois encore, on nous a dit qu’il fallait faire passer cette loi pour savoir ce qu’elle contenait. Alors que l’Obamacare prend de l’âge, nous découvrons la réponse : des promesses non tenues.
(*)Michael D. Tanner est Senior Fellow au CATO Institute. Il est l’auteur de plusieurs ouvrages, notammentLeviathan on the Right: How Big-Government Conservatism Brought Down the Republican Revolution(2007).