(Ma participation à l’atelier d’écriture qui consiste à illustrer la photo ci-dessous)
Elle était belle, sa blondeur encadrait parfaitement son visage laiteux. Sa corpulence lui donnait une prestance indiscutable, et son décolleté attirait les regards. Dans les rues de Moscou sa silhouette se découpait sur la blancheur du ciel, s’alignant avec perfection avec la massive architecture, ses courbes rappelant les bulbes colorés de la Cathédrale Saint-Basile-le-Bienheureux. Alors qu’elle semblait glisser sur la place, elle accrocha le regard d’un bel homme qui l’embrassa dans son manteau de zibeline, d’un seul coup d’œil. Ce fut le coup de foudre, et après quelque temps, sa silhouette s’arrondit, jusqu’à contenir sa fille, dont elle considérait qu’elle était son tout, son essence, la prunelle de ses yeux.
Pétrie d’amour, la petite grandit dans une immense demeure. Elle regardait le paysage changer par la fenêtre protégée de lourds rideaux. La neige recouvrait de son manteau épais et délicat l’ensemble des choses, elle en prenait conscience, dans la chaleur de sa robe de chambre. Dans la fleur de l’âge, son rêve de maternité, qu’elle portait enfoui dans ses entrailles, la tenaillait, comme le désir d’une rencontre qui animerait quelque peu sa vie. Ce fut au bal qu’elle fit sa rencontre. Un homme séduisant qui partageait ses attentes et ses conceptions de vie. Quand son ventre se remplit, elle atteignit des sommets de joie. Elle sentait la vie naître en elle. Elle allait procréer du plus profond de son être, laissant s’exprimer la créativité la plus intime qu’elle mélangeait comme des couleurs sur une palette, à celle de son compagnon.
Elle avait été conçue toute petite, par une soirée d’hiver glaciale. Pour remédier à la situation ses parents avaient jeté de grosses buches dans la cheminée, et leurs vêtements à terre, avant de s’aimer de manière torride. Le froid ne l’atteignait pas. Elle aimait pourtant traverser les jardins enneigés et les larges boulevards balayés par le vent, les idées abritées sous la belle chapka. Même adulte elle resta petite, et elle s’y résigna après des années adolescentes à déplorer ce trait physique qu’elle vivait comme une tare. Pourquoi n’’était pas grande, rebondie et blonde ? Ses longs cheveux noirs tranchaient avec la clarté de son regard. Sa beauté n’avait pourtant pas d’égal. A sa majorité elle sentit qu’il était temps pour elle d’inscrire sa nature dans progéniture. Elle sentait loin en elle, un instinct irrépressible qu’elle ne pouvait étouffer. Mais dans ce monde moderne, elle voulait croire à autre chose qu’à une structure parentale déséquilibrée. Elle voulait trouver celui avec qui elle pouvait envisager de se mêler.
Un soir de juillet, la trentaine dépassée, alors que le soleil déclinait, elle tomba en admiration devant une vitrine comme il y en a des centaines dans les rues. Pourquoi celle-ci alors ? Sur les étagères, des dizaines de matriochkas. Elle ne pu retenir ses larmes, en s’emparant de la plus petite, en la serrant dans sa main. Derrière son regard embué, elle revit sa mère, ses gestes aimants, sa main caressant sa joue tandis qu’elle pleurait « c’est toi la plus belle, c’est toi la plus petite de toutes les poupées et la meilleure ». Ces petites gigognes faisaient écho à généalogie à sa fertilité certaine. Elle su alors que bientôt viendrait son tour, et malgré le travail qui agitait son bas-ventre, viendrait le temps où elle serait maman. Avec délectation.