A l’impossible nul n’est tenu et pourtant
Fabien Cancellara l’a fait !
Il a réussi l’exploit impossible sur les
pavés de l’Enfer du Nord où l’extraordinaire champion suisse a flirté avec la
défaite avant de signer l’une des plus belles victoires de sa carrière, la
troisième à Roubaix après 2006 et 2010. Une victoire au sprint au détriment de
l’athlétique Belge Jef Vanmarcke (24 ans), l’un des grands animateurs du jour,
qui l’a accompagné jusqu’au bout et même relayé sur les derniers quinze
kilomètres avant de céder à 20 m de la ligne face au phénoménal Bernois, plus fort que jamais à 32
ans mais qui a terminé épuisé, au bord de l’évanouissement !
Pour en arriver là, il a fallu à Fabian faire preuve d’une formidable volonté et de beaucoup de sang froid pour maîtriser tous les mouvements d’une course rapide qui a longtemps empêché la véritable sélection. Totalement isolé au sein du groupe de tête, après avoir lui-même fait le forcing (qui a aussi éliminé ses équipiers) à plus de cinquante kilomètres de l’arrivée, il s’est offert ensuite aux attaques de l’opposition, notamment celles d’Omega Pharma-Quick Step, l’équipe la mieux représentée à l’avant avec Vandenbergh, Tepstra, Chavanel et Stybar. Mais le Bernois a su desserrer l’étreinte aux moments clé et rétablir par des initiatives personnelles des situations souvent compromises.
Une nouvelle démonstration de son sens de la course et de sa phénoménale puissance de train qui a pu annuler toutes les tentatives de le piéger. Mais à quel prix ! L’avant-dernière, à 29 km de Roubaix, lui a coûté beaucoup de forces. Seul il est ainsi revenu sur un groupe de huit où figuraient Vandenbergh, Vanmarcke, Langeveld, Stybar, van Avermaet, Paolini, Flecha et le Français Gaudin, l’une des révélations de la course, lequel a beaucoup payé de sa personne. Mais alors que le futur vainqueur s’octroyait un petit temps de récupération, Vandenbergh et Vanmarcke se faisaient la belle. Et rebelote pour Fabian qui accélérait sur les pavés de Cysoing, à 23 km, mais avec dans sa roue un Stybar totalement passif ! Qu’importe, en l’espace d’à peine cinq kilomètres d’une poursuite haletante, Fabian bouchait un « trou » de 40 secondes et revenait sur les deux échappés.
Désormais ils n’étaient plus que quatre à postuler à la victoire alors que se présentait le fameux secteur du "Carrefour de l’arbre", le dernier endroit stratégique, noyé au milieu d’une foule immense, à 16 km. Sur des accélérations de Vanmarcke, étonnant, puis de Cancellara, tour à tour Vandenbergh puis Stybar perdaient le contact après avoir heurté des spectateurs. Exit les deux adversaires qui auraient pu poser problème en cas de final à quatre.
Pendant quelques instants, Cancellara et Vanmarcke se tiraient la bourre avant de collaborer. De longues minutes au cours desquelles Fabian avait tout loisir de gamberger face à la pointe de vitesse du Belge, crédité l’an passé d’un succès au sprint sur Boonen en personne au GP Het Nieuwsbland ! Il tentait alors de le surprendre par un démarrage en force sur le faux plat de Hem, à 4 km. mais en vain. On sentait le jeune Flamand très sûr de lui. Il le prouvait en manoeuvrant habilement sur le vélodrome de Roubaix mais au prix d’un ultime effort surhumain Cancellara confirmait magnifiquement son rôle de favori no. 1.
Mission accomplie pour Cancellara, mais jamais il n’aura dû se démener aussi durement pour réaliser ce deuxième doublé Tour des Flandres-Paris-Roubaix qui l’installe définitivement dans le Gotha du vélo. Il est allé au bout de ses réserves et a offert de lui l’image d’un champion exceptionnel, aussi bien dans l’adversité que dans la réussite. C’est tout à son honneur et l’on n’oubliera pas de sitôt les grands moments d’émotion qu’il nous a offerts.
Bertrand Duboux