Sous ce titre évocateur, il s’agit de comprendre qu’on s’apprête à voir un spectacle énergique et entrainant, sur une base de ce qu’on avait peut être abusivement attribué à la marque « tecktonik », et qu’on désignera désormais au sens propre comme le mouvement électro. C’est cette danse urbaine aux mouvements carrés, dessinés par des jeux de bras tournoyants et par des mouvements de jambes scandant le rythme. Alors oui, certains dans la salle n’étaient pas préparés à ça. Certains se sont permis de critiquer d’emblée au sortir du spectacle, plaquant sur les impressions fraiches leur jugement gratuit.
J’ai trouvé pour ma part le spectacle bien huilé, maitrisé et vécu comme un vrai moment de danse de la part des artistes qui communiquent leur énergie positive ceux qui y sont réceptifs dans l’assistance.
Il nait avant tout dans l’esprit de Blanca Li (danseuse, chorégraphe, metteur en scène et réalisatrice espagnole aux influences diverses (flamenco, hip-hop mais aussi danse classique et baroque). Il y a quelques années, elle est témoin d’une répétition de cette danse électro entre amis, dans un jardin public. Elle sent alors les prémices d’une danse qui est en train de naitre et de se faire. Elle éprouve avec les danseurs cette émotion rare d’une expression corporelle libre de s’inventer, d’expérimenter les possibles avec le corps. Elle approche des danseurs pour les aider à faire connaitre leur danse, dans la perspective de la débarrasser des étiquettes et pour la présenter autrement que dans des numéros de performance pure, sur les planches d’un théâtre.
Entourée de danseurs émérites, tous participant au mouvement de la musique électro, habités par son rythme, par cette expression qui agite leurs corps, elle met au point « Electro kif » basant la trame narrative sur une journée de cours pour ces jeunes danseurs. Ainsi les tableaux mettent en scène des lieux comme leur salle de classe ou leur gymnase. L’appel qui est fait au début permet la présentation de leur style spécifique et de leur personnalité. Le public découvre ensuite l’ensemble dans une explosion de gestes, de rythmes et de couleurs. On attribue au mouvement électro les mouvements typiques de bras par exemple (qui les démembrent quelque peu), les accessoires vestimentaires et l’énergie des danseurs. En observant de plus près les mouvements, outre ceux que l’on a l’impression d’avoir déjà vus, il y a aussi des mouvements de couché et de relevés effectués avec souplesse, des moments où l’on marque le rythme, ou on dessine des lignes, et en opposition des gestes plus en ondulation.
Mais plus qu’une simple démonstration de danse électro, il s’agit de l’incorporer à une histoire, une expression, un message pour en extraire une émotion.
Ainsi, nous découvrons la variété de facettes de cette danse mise au service de battle endiablés, de tableaux synchronisés ou de numéros lents surprenants de maitrise et de réussite. Nous n’aurions en effet, pas pensé que ce type de danse puisse aussi bien correspondre à ce rythme lent donné par un simple piano. Dans ce tableau épuré, les danseurs offrent un très beau moment où leurs mouvements deviennent fluides, aériens, tout en agilité. Il était également appréciable dans la mise au point des numéros de noter leur précision et leur construction en termes d’intervention. Dans un numéro de groupe, on trouve en effet des sous groupe de deux ou trois danseurs, qui effectuent des mouvements autres que les autres, effectuant ainsi la progression du tableau. Les solistes se succèdent. Les numéros permettent de découvrir les danseurs mais aussi des aspects très spécifiques et qu’on n’a pas l’habitude de voir, de cette danse (et notamment l’importance des mouvements de bras) le numéro des nains (effectué à 4 bras), celui des mains où la lumière n’est projetée que sur elles, ou celui dans la pyramide de chaise surprennent en cela. J’ai particulièrement apprécié le contrepoint offert par les solistes successif dans le numéro de groupe, où l’ensemble des danseurs marque le rythme entêtant.
Dans ce spectacle la musique a une importance cruciale et même si on n’est à la base pas adepte de ce style de musique, on ne peut que saluer Tao Gutierrez pour sa bande-son incroyable. Elle emporte tout de même rapidement et communique avec les danseurs cette envie de bouger dans le public. A bien des moments, c’est elle qui m’a emmenée, et accompagnée dans les circonvolutions corporelles des danseurs.
Enfin, l’ensemble est réussi et convaincant notamment pour la maitrise, la propreté et la tenue des mouvements. Dans cette danse se lisent la discipline, la passion et l’expression pure. Dans ses influences, on y voit ce que chacun des danseurs souhaite lui apporter, avec respect, le hip-hop par exemple ou même un déhanché un peu oriental !
Un bon moment de découverte avec des artistes passionnés dans un numéro ébouriffant !
A voir jusqu’au 27 avril :
Electro Kif de Blanca Li
A la Cigale
120 boulevard Rochechouart
75018 Paris
Mise en scène, chorégraphie : Blanca Li
Danseurs : Kevin Bago, Mamadou Bathily, Jérôme Fidelin, Romain Guillermic, Théophile Landji, Adrien Larrazet, Lenny Louves, Ismaila N’diaye