Planète
Le pillage des mers par les bateaux de pêche chinois a pris des proportions gigantesques, selon une étude internationale coordonnée par le célèbre biologiste Daniel Pauly, de l’Université de Colombie-Britannique, qui chiffre pour la première fois la mainmise chinoise sur une ressource halieutique en rapide déclin.
Cette recherche, publiée d’abord dans la revue spécialisée Fish and Fisheries puis reprise dans la revue scientifique Nature le 4 avril, conclut que les navires de pêche chinois ont siphonné, loin de leurs côtes, entre 3,4 millions et 6,1 millions de tonnes de poissons par an entre 2000 et 2011. Dans le même temps, Pékin ne déclarait que 368 000 tonnes de poisson en moyenne auprès de l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO). Douze fois moins que la réalité estimée par les spécialistes des ressources halieutiques ! La valeur du poisson débarqué de l’étranger par la Chine s’élèverait à 8,9 milliards d’euros chaque année.
Non seulement la Chine sous-estime considérablement le produit de sa pêche à l’extérieur, mais elle surestime à l’inverse ce secteur dans ses eaux territoriales. Faute de statistiques réalistes accessibles au public, l’équipe de Daniel Pauly a dû réaliser des estimations à partir du nombre de bateaux – surtout des grands chalutiers, mais aussi des senneurs, entre autres – présents dans différentes zones économiques exclusives autour du monde, en corrélant ces données à leurs prises annuelles attendues.
LES CÔTES AFRICAINES, LES PLUS PILLÉES AU MONDE
Plutôt que de s’en tenir à la nature des pavillons – trop souvent de complaisance –, elle s’est appuyée sur la nationalité des marins et de leurs officiers, car il est rare qu’un équipage de la République populaire de Chine travaille pour un armateur d’un autre pays. Au large de l’Afrique, il est courant que des navires armés par des propriétaires chinois fassent travailler des pêcheurs locaux, mais ces derniers sont alors souvent rémunérés avec quelques caisses de poissons qui seront revendues près des côtes africaines, mais pas en Asie.
Car ce que dénoncent les gouvernements africains et ce qu’observent les ONG sur le terrain se confirme et se précise avec ce recensement. Tous dénoncent les chalutiers géants qui campent dans les eaux poissonneuses du continent noir, en approvisionnant souvent directement des bateaux usines-frigo en mer. L’Afrique constitue effectivement la première cible de la flotte chinoise : cette dernière y prélève 3,1 millions de tonnes de poissons par an en moyenne selon les chercheurs, soit 64% de ses prises à l’étranger. Les côtes de l’ouest du continent – sans doute les plus pillées du monde, pas seulement par des bateaux asiatiques –, sont leur cible principale.
L’Asie, suivie de loin par l’Océanie, l’Amérique du Sud et centrale, ainsi que l’Antarctique constituent les autres terrains de chasse de la flotte de pêche chinoise.
Les données publiées par les chercheurs correspondent à de la pêche non répertoriée, ce qui ne signifie pas qu’elle soit entièrement illégale. Une partie peut être réalisée avec l’accord des autorités du pays concerné, mais il n’est pas possible de distinguer les deux types de pratiques.
UN TONNAGE GLOBAL DE PÊCHE EN STAGNATION
Dans leur publication, les experts d’instituts de recherche canadiens, espagnols, français et australiens mettent en rapport le déclin de la ressource halieutique dans les océans, dont témoigne la stagnation du tonnage global de la pêche mondiale, et la pratique qui consiste à envoyer les bateaux pêcher très loin de leurs ports d’attache, dans des zones jusqu’il y a peu épargnées par la surpêche.
Européens et Américains ont été les premiers à y avoir recours dans les années 1980, suivis par les Russes, le Japon et la Corée du Sud une décennie plus tard. Tous s’assuraient un accès aux eaux étrangères moyennant l’achat de licences de pêche auprès des gouvernements locaux – plus ou moins légalement il est vrai. Les Chinois, qui se lancent à leur tour à l’autre bout des mers pour répondre à la demande de leur marché intérieur, ne semblent pas toujours s’embarrasser de tels préalables.
Source: Planète
Aller plus loin:
Océans : flagrant délit de pillage, Greenpeace décembre 2012
Le Maartje Theadora, véritable aspirateur des mers, illustre parfaitement le problème de la gestion actuelle de la pêche en Europe : la flotte, trop importante en nombre et suréquipée par rapport au nombre de poissons, est aujourd’hui capable de pêcher 2 à 3 fois le niveau qui serait supportable pour nos océans.
Ces bateaux usines vont donc pêcher plus loin, hors des eaux européennes, pour traquer les derniers poissons.
Ce chalutier géant, un des plus gros chalutiers d’Europe, battant pavillon allemand, est soupçonné de la plus grosse infraction à la législation sur la pêche jamais constatée en France métropolitaine. il a été dérouté mercredi vers le port de Cherbourg où il attendait que son sort soit fixé.
Près de 2.000 tonnes sur les 4.000 tonnes de poissons à bord du bateau sont soupçonnées de ne pas répondre aux normes, selon le parquet.
Ces 5 dernières années, le Maartje Theadora est régulièrement parti dans les eaux du Pacifique Sud, pêcher du chinchard, un petit poisson pélagique, denrée de base pour certains pays en développement, mais pêché par ces bateaux pour servir de nourriture dans l’aquaculture ou même pour les porcs. Le chinchard est aussi un élément central de l’alimentation des poissons, l’effondrement du stock cause de graves déséquilibres aux écosystèmes
Greenpeace face au Maartje Theadora
Cela fait quelques mois déjà que Greenpeace suit le parcous du Maartje Theadora de très près : En février 2012, des militants de Greenpeace ont bloqué le navire, pendant plus de 5 heures aux Pays Bas à son départ du port d’Ijmuiden.
Pourtant un autre modèle existe
Il y a des pêcheurs dont les pratiques respectent l’environnement : les pêcheurs artisans. Ils représentent 80% des embarcations et la moitié des emplois du secteur en France, et souffrent de la raréfaction des ressources.
Entre pêches artisanale et industrielle, ce sont deux logiques différentes : le pêcheur artisan travaille sur son bateau, et cherche à vivre de son métier, simplement, alors que dans la pêche industrielle, les armateurs ne sont pas des pêcheurs mais des hommes d’affaires, qui cherchent à faire le maximum de profits.
En réduisant le nombre de bateaux et leur capacité de pêche pour la mettre en adéquation avec les ressources en poissons, en mettant fin aux rejets en mer, en améliorant la sélectivité des techniques de pêche, en donnant l’accès aux poissons via l’attribution des quotas d’abord à ceux qui ont les pratiques les plus durables d’un point de vue environnemental et social.
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