L’éditorial du Monde du jeudi 4 avril 2013 titre «Ce mensonge qui ouvre une crise démocratique»
En quoi la démocratie est-elle en crise ?
Nous constatons plutôt l’inverse. La démocratie n’a jamais été aussi forte. Ce mode d’organisation de la société qui institue « la souveraineté du peuple, par le peuple et pour le peuple » développe sous nos yeux, depuis quelques années, des armes redoutables qui consolident sa réalité et assurent son avenir. Car enfin, ne voit-on pas que le 4è pouvoir, celui des médias, et le 5è pouvoir, celui de l’opinion, désormais équipés d’une arme numérique de médiatisation individuelle massive, sont devenus les gardiens vigilants de la transparence de tous les autres pouvoirs ! Qui peut prétendre aujourd’hui cacher longtemps quoi que ce soit à qui que ce soit ?
Les révélations de «l’offshoreleaks» le 5 avril, menées par 86 journalistes de 46 pays, n’en sont-elles pas encore la plus évidente illustration ?
La crise se situe au niveau politique. La classe politique dans son ensemble, à gauche comme à droite, apparait totalement sclérosée, enfermée dans un monde découplé de la vie réelle. Les acteurs ne jouent plus qu’ entre eux et pour eux. Ils polémiquent sans cesse pour savoir qui aura le premier rôle. La seule ambition qui transparaît est celle de rester en scène le plus longtemps possible. Pendant ce temps les spectateurs quittent la salle et sont furieux de devoir payer trop cher un théâtre qui ne les concerne plus. Depuis que les grandes idéologies ont déserté les ambitions, que reste-t-il aux professionnels de la politique ? - la jouissance effrénée et pathétique du présent immédiat...
Il est de la responsabilité de chaque citoyen aujourd’hui de refuser d’assister sans mot dire au spectacle permanent des verbiages orchestrés et vides de sens. Si le besoin de croire a toujours été l’opium du peuple, la vitalité déferlante de la démocratie peut encore nous laisser espérer un
bouleversement et une véritable transformation de nos systèmes politiques anachroniques.