Certains se demandent comment un phénomène comme celui d’Aube dorée a pu prendre une telle ampleur. On peut avancer quantité d’explications, parmi lesquelles la télévision ou la crasse inculture inhérente à l’indigence de ses programmes. Ou bien la pauvreté et l’intolérance que peut provoquer le repli sur soi. Ou encore la guerre entre les pauvres, fruit d’une société individualiste dans laquelle les repères ont volé en éclats. À moins que ce ne soit tout simplement les effets de la crise qui iraient de pair avec un ras-le-bol grandissant devant les phénomènes migratoires… eux-mêmes produits d’une société en crise. Tant de choses peuvent être mises en avant.
Et si le système avait créé délibérément Aube dorée… D’aucuns trouveront que cette explication s’inscrit dans le droit fil des théories complotistes. Mais comment expliquer alors l’idiotie des politiciens européens qui se livrent à des diatribes ouvertement xénophobes ? En Suisse, par exemple, la campagne électorale se concentre sur la propagande contre les immigrés, et les 8.000 travailleurs frontaliers italiens sont accusés ni plus ni moins de prendre le pain des autochtones dans la campagne « siamo in mutande » (nous sommes en slip, NDLR) de l’UDC (union démocratique du centre), dont le nom cache décidément mal sa véritable nature. En effet, ce parti a littéralement inondé le pays d’affiches appelant au rapatriement immédiat de tous les étrangers. La ligue des Tessinois, deuxième parti du Tessin, n’était pas en reste puisqu’il a prêté main forte à cette campagne.
Plus grave encore : le discours sur l’immigration du Premier ministre David Cameron, qui a provoqué récemment un tollé. Le sujet était la protection sociale, et Cameron a annoncé que les immigrés ne recevraient plus aucune aide au-delà de six mois de chômage. L’opportunité d’une telle mesure, au moment où les coupes claires dans les budgets sociaux ont mécaniquement un impact financier, répond à la logique même des politiques d’austérité dont l’Union européenne se fait le héraut, mais pourquoi donc insuffler sournoisement l’idée que l’étranger est responsable, au moins en partie, de l’appauvrissement général et qu’il doit être perçu en tant que tel ? Une étude publiée sur le site du réseau d’alerte sur les inégalités montre pourtant que « la place de l’immigration dans le débat politique ne s’explique par son impact économique objectif, mais par les mécanismes de repli sur soi identitaire des communautés nationales ou professionnelles menacées par une crise économique ». Enfin, « l’instrumentalisation de ces affects par le personnel politique en renforce la dynamique excluante ».
Mais quelles conclusions en tireront les citoyens moins au fait des calculs politiques de leurs dirigeants et informés comme il convient par des media en mal de sensationnel ? Que le mot étranger rime avec ennemi, et qu’à partir de là, l’adhésion à des théories xénophobes voire ouvertement racistes de partis comme Aube dorée est somme toute naturelle. Les politiciens sont-ils donc irresponsables au point de ne s’apercevoir de rien ? On peut sérieusement en douter. Ce n’est pas un hasard, d’ailleurs, si on voit fleurir un peu partout, dans l’Europe des droits de l’homme, des lois contre les immigrés. Et on nous présente en parallèle, toutes tendances politiques confondues, les réformes comme des mesures nécessaires pour sortir de la crise. Mieux encore, on nous assure que tout est fait pour apporter un meilleur service aux usagers… Naturellement, les pouvoirs en place, qui sont censés représenter une alternative au « tout capitaliste », expliquent que leurs orientations, bien qu’impopulaires, sont dues à la crise mondiale. La pensée dominante aboutit, lentement mais sûrement, à anesthésier l’esprit critique. Et c’est ainsi qu’un peuple peut, sans même s’en rendre compte, devenir réceptif à toute pensée extrémiste.
Dans ces conditions, peut-on écarter toute possibilité de glisser vers un régime autoritaire ? Certes non ! Alors, suis-je un complotiste si je vous demande à qui profite le crime ?
Capitaine Martin
Source: Résistance.fr