On apprend que certains pays sont candidats à la zone euro (la Lettonie notamment). Mais on peut bien se demander pourquoi ?
Par Pascal de Lima, économiste et enseignant à Sciences Po Paris.
Siège de la BCE
On apprend que certains pays sont candidats à la zone euro (la Lettonie notamment). Mais on peut bien se demander pourquoi ?
Mais que diable faire dans cette zone euro ? Pourquoi se porter candidat ?
Et bien c’est très simple : les avantages qu’on attend de la zone euro sont liés à l’espoir d’une monnaie forte. Elle limite l’inflation. Elle donne des garanties quant à la valeur des remboursements futurs aux prêteurs internationaux et donc elle attire des capitaux. Avec une monnaie forte, obtenir de l’argent coûte moins cher aux investisseurs (Jean-Jacques Rosa 2011). Les emprunteurs permanents comme les Etats et les grandes entreprises espèrent bénéficier de tout cela. On espère assainir son bilan financier.
Une monnaie forte pénalise les exportations ? Mais pour les grandes entreprises les investissements directs se sont substitués aux exportations de biens et services et une monnaie forte diminue le coût d’achat d’usines à l’étranger. Une monnaie forte réduirait le prix à l’importation. C’est le cas du modèle allemand et les candidats à la zone euro espèrent bien imiter ce modèle. C’est l’argument très souvent avancé et pourtant…
Et pourtant un pays ayant une monnaie indépendante peut parfaitement gérer sa monnaie pour tirer avantage de sa force sur les marchés des changes, c’était le cas de l’Allemagne avec le Deutsche Mark et c’est aujourd’hui encore le cas de la Suisse. C’est dommage que l’on ne puisse pas exposer ces idées alternatives.
On dit aussi que l’un des avantages de l’euro est l’abaissement des coûts de transaction par un change fixe. Puis on pourrait comparer facilement les prix. Et pourtant…
Et pourtant l’acheteur ne se pose jamais la question d’aller acheter sa voiture à Bonn plutôt qu’à Paris à cause de l’absence de change fixe mais plutôt en raison des coûts administratifs ! Les mouvements des changes en réalité n’ennuient que les grandes entreprises opérant sur plusieurs marchés en faisant obstacle à leur volonté de cartellisation. La constitution de cartels nationaux à plus grande échelle, nécessite la fin des monnaies nationales pour l’avantage des producteurs et non des consommateurs. Et l’euro pourtant est devenue une véritable machine à emprunter pour tous…
Les candidats à la zone euro privilégient l’idéologie à la réalité de l’économie, parfois une naïveté presque douteuse à y croire encore, en tout cas pour cette configuration de l’Europe. Car la crise de la zone euro qui a démarré il y a cinq années maintenant nous a enseigné cinq leçons principales : on a appris qu’une monnaie unique pouvait accroître la mauvaise hétérogénéité des Etats membres, celle précisément qui ne permet pas de faire émerger des avantages comparatifs naturels (dans un contexte structurel normal). On sait aussi qu’il est dangereux de vouloir intégrer la zone euro car la zone euro n’a pas de politique fédératrice ce qui risque de renforcer les déséquilibres économiques notamment dans le domaine des balances courantes. On sait aussi que les pays où se pratique une dévaluation interne inadéquate s’orientent vers quelque chose de pratiquement auto-suicidaire. On sait aussi de la zone euro que nombre de ses banques sont en mauvaise santé et que le cas chypriote récent a ouvert des questions bien inquiétantes ! Que diable faire dans cette galère.
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