Michel, Dan, Jimmy, Marc, Ric… Les jeunes gars du style rétro
Ce mois-ci : Michel Vaillant dans "Route de nuit"
Très inspiré du Gas-oil de Gilles Grangier, Route de nuit est le premier Michel Vaillant à ne pas sentir l’huile de ricin mais le... gasoil. Le cambouis aussi. Le coup fourré aussi. Et fleure bon le doux parfum de la chaussette et du maillot de corps. Un album où il faut y mettre son nez. Dans la collection du Lombard of course. D’ailleurs pour une fois que notre sympathique champion n’appuie pas dessus, les 64 pages jaunies sentent le champignon. Non, non ce n’est pas madame qui prépare une fricassée, c’est le doux parfum du style rétro. Et de l’aventure.
Pourtant il faut reconnaître que celle-ci n’est pas au coin de la rue ou de la route en l’occurrence, de nuit soit-elle, bien cachée sous la page de garde et le chaud soleil de la Riviera.
D’ailleurs, le début de l’histoire flirte dangereusement avec l’Atome style de Marcinelle. Quoi ? Les Vaillant se la coulent douce dans du design ? Au bord de la mer ? Il ne manque plus qu’une Turbo-traction garée devant la porte. Pourquoi pas un Fantacoptère pendant qu’on y est ? Un peu de sérieux ! On est rétro ou on ne l’est pas. Heureusement après le père, la mère, le fils, le frère, la belle-sœur, nous faisons connaissance avec l’oncle Benjamin Vaillant. Pas mod(erne) pour deux sous. Bon il faut reconnaître que Ben l’oncle saoule un peu avec sa déontologie. La déontologie ! C’en est trop pour Michel, en pleine année sabbatique, aussi désœuvré qu’un chômeur en fin de droit. On ne touche pas à la déontologie !
Et puis il y a Yves, le gosse qui "tourne mal". Un comble pour l’as du volant. 50 ans plus tard, c’est au Grand frère de TF1 qu'il aurait eu à faire : "Tu veux pas faire d’efforts ? T’arriveras jamais à rien dans la vie si tu veux pas faire d’efforts !..." C’est vrai que Pascal le grand frère ressemble comme un frère au frère de Michel, à Jean-Pierre, tiens.
"Michel tu viens avec nous ? On va passer la soirée à saint-Trop’, avec Sacha…" Non, Michel ne viendra pas. Il n’est pas d’humeur à se faire draguer. Même en Facel Vega, même en Chevrolet Impala. Même dans la voiture d’Elvis, même dans la voiture du King (p.34). C’est avec un petit noir qu’il a rendez-vous. Au petit matin, sur le comptoir en Formica d’un routier. Pour lui, c’est le temps des copains et des tapes sur l’épaule.
Et puis il y a le vieux Jules qui veut rouler des ses propres roues. Comment le blâmer ? Qui n’a pas envie de changer de temps en temps ? Il y a des jours j’ai bien envie de quitter Fury Magazine pour Doctissimo. Mais j’ai un bon patron. Et puis le père Jules, c’est un peu le routier qui sommeille en nous, à qui nous voulons tous ressembler. Regardez-le une dernière fois dans sa cotte à bretelles classique bleue à double piqûres. Une grande poche à rabat sur la poitrine, deux poches bavettes arrière, le tout maintenu par deux bretelles élastiques sur une chemise en flanelle mode. Elle laisse deviner, au lecteur averti, des sous-vêtements sérieux pour en faire bon usage et mouler le corps pour un parfait maintien sans gêner ni irriter. Le maillot de corps est solide, souple et aéré. Le slip assorti, de forme kangourou en tricot de coton avec poche tissée à ouverture latérale. La ceinture, élastique pour le confort du routier. N’oublions pas les indispensables brodequins souples en toile de coton écru imperméabilisée. Deux épaisses semelles vulcanisées à profond relief antidérapantes. Se portent sur des chaussettes en forte laine renforcées nylon au talon et à la pointe. La pointe du pied étant la partie la plus sensible de cet organe ô combien important pour le routier et ses trois pédales. Quant au béret, il est basque, en drap souple et chaud.
Et puis il y a Régis, le fourbe. Parfait frère indigne du Jean-Pierre Aumont de L’affaire du Saint Fiacre de Maigret. Dommage que l’auteur ne force pas son coté "Bad boy". C’est aux putes ou au Papagayo jusqu’à 6 heures du mat’ qu’il devait emmener Yves et pas au Grand Prix de Monaco pour en faire un vrai voyou, voyons !
Et puis il y a le méchant, mû par l’appât du lucre et qu’on ne découvre qu'à la page 61. Je dois avouer que je me suis bien fait avoir, dis donc. Ah ça oui, alors ! Tout ça pour finir son voyage au bout de la (route de) nuit "fait comme un rat".
"Fait comme un rat !" J’ai toujours rêvé de la placer celle-là. Et si Route de nuit était ce dont on fait les rêves ?
J’allais oublier le plus beau pour la fin : comment à ce stade de la loose, Ben fit cas de la seule femme de l’histoire pour planter un contre imparable et l’emballer pendant les arrêts de jeux. Du grand art. (L’histoire ne dit pas si madame Douléac s’appelle Lise et si elle est…). On est à Marseille oui ou non ? Espérons tout de même que l’oncle Ben ne devienne pas trop collant. Quand je vous disais que Route de nuit était ce dont on fait les rêves.
1963 : un mod de plus ? Un blouson noir de moins
15 ans plus tard ils
écoutaient Joy Division et Cabaret Voltaire sur Feedback et en modulation de fréquence