Evoquer la sacro-sainte «spirale du mensonge» n’y changera rien, encore moins les tentatives de certaines âmes magnanimes qui affirment – rêve-t-on? – que l’ex-ministre du Budget a trouvé les mots qui «convenaient» pour «exalter sa honte» et «formuler des regrets»… Mon dieu, qu’il est difficile de se réveiller un matin seul au creux du lit!
Morale. Nous mentons contre les autres: mais nous mentons contre nous-mêmes, à nos risques et périls. Rassurez-vous. Il ne s’agit pas, ici, de rajouter du scandale au scandale ou de l’indignation surjouée aux tombereaux d’adjectifs déjà utilisés toute la semaine. Mais à l’heure où la République s’enfonce chaque jour un peu plus dans la crise sociale, comment ne pas reconnaître, et le plus simplement du monde, que rien n’est plus grave et dangereux pour la démocratie que l’atmosphère de suspicion généralisée que provoquent les «affaires» à répétition, celle-ci étant, probablement, une de trop, puisqu’elle porte atteinte directement à la probité de la parole publique? Il s’agit donc moins d’incriminer un individu que d’interroger les conditions formelles – donc morales – qui ont présidé à la trahison du discours vrai… Seulement, en l’espèce, qui parle de morale parle de politique. Et de cette exigence (absolue et éthique) que devrait être la vertu du parler-vrai. Savoir d’où l’on s’adresse ; à qui ; et comment. Voilà pourquoi «l’affaire» Cahuzac ne saurait être uniquement la corruption – et de quelle ampleur! – d’un homme politique aux responsabilités majeures. Elle nous dit aussi quelque chose de l’état de notre République, de nos institutions et de la formation de nos élites, supposées nous représenter. Car tout de même !
Armstrong. On pardonnera au bloc-noteur une expérience toute personnelle, fruit de longues années d’expérimentation, sachez-le. Dans la stratégie du mensonge éhonté face caméras, Lance Armstrong vient peut-être de trouver quelqu’un pour rivaliser avec lui! Ne rigolez pas. Qui a croisé Armstrong dans sa vie sait à quoi s’attendre de paroles arrachées «les yeux dans les yeux». Un mensonge, aussi mineur soit-il, reste un mensonge. Dans le vélo, on commence toujours par se doper «petit», avant de charger la mule. Alors qu’un ministre-menteur disposant de comptes cachés à l’étranger s’occupe de l’évasion fiscale…
[BLOC-NOTES publié dans l'Humanité du 5 avril 2013.]