Cette pensée positive m’avait aidé à faire passer la pilule. J’avais toujours cette idée (naïve) en tête : si quelqu’un m’avait volé mon vélo, c’est qu’il n’avait pas les moyens de s’en offrir un ! En quelque sorte, en étant volé, j’avais continué à faire œuvre utile.
Aujourd’hui, j’ai un peu vieilli et je suis moins naïf (quoique). Mais je suis outré, fâché, offensé. Il y a donc sur Terre des milliers de voleurs qui font tout pour avoir le maximum d’argent… alors qu’ils en ont déjà un fameux paquet.
Je parle de tous ces « gens normaux » identifiés dans les fichiers de l’OffshoreLeaks. Je parle de ce monsieur Cahuzac qui a pêché là où il dénonçait. Je parle de tous ces riches – style Gérard Depardieu – qui fuient leur pays simplement pour payer moins d’impôt. Je parle de ces patrons qui n’hésitent pas à fermer une entreprise et à envoyer des centaines de travailleurs au chômage pour simplement augmenter leurs dividendes déjà bien plantureux. Je parle…
N’ayant jamais été adepte des théories du grand complot, je ne vais pas commencer à me lancer dans des grands discours sur la perversité des systèmes politiques, qui seraient minés de A à Z par la soif de pouvoir et l’incompétence notoire des responsables dès qu’ils deviennent ministres. Ces discours généralistes ne me semblent jamais crédibles et nuire plus qu’autre chose au message qui les soutient.
Mais comment ne pas être écœuré par ce qui se passe ? Comment accepter qu’un riche fasse tout ce qu’il lui est possible pour être plus riche encore, même et surtout si ce possible est aussi interdit ? Comment tolérer cet égoïsme fondamental qui conduit à ignorer le bien public ?
Car c’est cela qui est le plus inacceptable. Il est possible que de nombreuses personnes impliquées dans l’OffshoreLeaks n’aient rien fait d’illégal. Mais ils ont utilisé toutes les failles du système pour gagner plus d’argent, et donc pour en donner moins à la collectivité.
Cet argent détourné est pourtant celui dont nos sociétés ont besoin pour payer de manière convenable ceux qui n’ont pas la chance d’avoir du travail, pour financer un enseignement exsangue, pour appuyer des projets artistiques non rentables par définition, pour mettre en place des politiques environnementales dignes de ce nom…
Qui vole un vélo, vole crescendo ! Pas sûr que celui qui a volé le mien il y a plus de 30 ans fasse partie de ces voleurs de haut vol et de biens publics. N’empêche, je prends conscience aujourd’hui de la folie humaine, celle qui pousse certains à devenir de plus en plus riches, à n’importe quel prix, en ignorant superbement les besoins sociaux et sociétaux. Le plus dur, c’est que notre société n’a sans doute que les « voleurs de vélo » qu’elle mérite. J’ai envie de vomir.