En exclusivité dans les pages rebonds du journal Libération paraît aujourd’hui cette lettre adressée au Premier Ministre est au sénateurs. Elle est signée par l’ensemble des organisations écologistes, ainsi que par un grand nombre de personnalités, dont Juliette Binoche, Marion Cotillard, Lambert Wilson, Jacques Higelin, Florent Pagny, Emmanuel Petit ou encore l’écrivain Jonathan Littell. La loi sur les OGM, qui retourne dès cette après midi au Sénat pour une seconde lecture, ne doit pas faire les frais de la politique politicienne. Elle se doit d’être une loi de protection des filières agricoles sans OGM.
Lettre ouverte
à
Monsieur François Fillon,
Premier Ministre,
et à
Mesdames et Messieurs les sénateurs
Monsieur le Premier Ministre,
Le 24 octobre 2007, ouvrant le Grenelle de l’Environnement, vous déclariez : « solennellement devant vous, je m’engage à ce que toutes les conclusions précises, concrètes et consensuelles soient mises en œuvre »
Le 25 octobre, l’ensemble des négociateurs, y compris les représentants de la profession agricole et du gouvernement, concluaient à l’unanimité sur l’ « adoption d’une loi sur les biotechnologies et les OGM avant la fin du printemps 2008 » reposant notamment « sur les principes suivants ».
Ce même jour enfin, dans son discours de clôture, le Président de la République affirmait : « La vérité est que nous avons des doutes sur l’intérêt actuel des OGM pesticides ; la vérité est que nous avons des doutes sur le contrôle de la dissémination des OGM ; la vérité est que nous avons des doutes sur les bénéfices sanitaires et environnementaux des OGM ».
Monsieur le Premier Ministre, ces doutes ne sont pas nouveaux, y compris dans la majorité présidentielle. Le contrat de législature 2007-2012 de l’UMP en faisait déjà état en recommandant de « ne pas accepter l’utilisation des OGM en l’état des connaissances scientifiques, mais poursuivre la recherche et associer tous les partenaires (chercheurs, représentants des agriculteurs, associations de défense de l’environnement…) à son contrôle et à son évaluation ». Pourtant, le projet de loi que votre gouvernement va présenter demain au Sénat en deuxième lecture n’est conforme ni avec les décisions du Grenelle, ni avec les doutes du Président de la République et les réserves de votre parti, ni avec votre engagement solennel. Il légalise un risque de contamination par les OGM de l’ensemble de l’agriculture française et ne protège pas la grande majorité des agriculteurs qui veulent continuer à produire sans OGM. En prétendant organiser la coexistence entre les filières avec et sans OGM, il condamne ainsi l’avenir de ces dernières, en particulier les filières de qualité qui ont fait la renommée de notre agriculture.
De plus, vous avez promis d’affaiblir encore davantage ce texte en faisant supprimer par le sénat l’amendement 252, le seul amendement adopté par l’Assemblée Nationale qui garantit de protéger « les structures agricoles, les écosystèmes locaux et les filières de production et commerciales qualifiées sans OGM ». De bon sens évident, cet amendement répond à la demande d’une écrasante majorité de Français. Vous semblez de votre côté vouloir le rejeter parce que son auteur, André Chassaigne, est assis sur les bancs de l’opposition, alors qu’il aurait tout aussi bien pu être adopté à l’initiative de Louis Giscard d’Estaing, député UMP qui avait proposé un amendement similaire avant de le retirer à la demande de la Commission des Affaires économiques.
La politique a parfois ses raisons que la raison ignore, et qu’en tout cas nous ignorons. Cependant, nous n’acceptons pas que des logiques politiciennes viennent polluer l’intérêt général, la protection de l’environnement et la sérénité des consommateurs. Nous, signataires de cette lettre, défendons une agriculture de qualité, biologique et d’appellation d’origine contrôlée, la compétitivité de ce secteur d’exportation, une alimentation saine et de plaisir, une gastronomie mondialement réputée, une biodiversité riche et préservée, une science active et indépendante. Bref, face à des risques inconnus et potentiellement graves, nous défendons la liberté de produire et de consommer sans OGM.
Nous vous demandons, monsieur le Premier Ministre, non seulement de défendre au nom du gouvernement l’article 252, tout autant que l’amendement 112 du député UMP Grosdidier, adopté à l’unanimité, mais aussi d’en décliner les principes au cœur même des dispositions de la loi, qu’il s’agisse du seuil de contamination, qui ne doit pas dépasser le seuil de détectabilité (0,1%), ou du régime de responsabilité qui doit effectivement et pleinement protéger les victimes.
Mesdames et messieurs les sénateurs, nous vous demandons la sagesse. La sagesse de ne pas engager un processus de contamination irréversible de notre environnement et de la chaîne alimentaire. La sagesse de vous en remettre au principe de précaution inscrit dans notre constitution. Votre responsabilité est immense. Nous serons vigilants.
Alain Allinant (Poulets de Loué)
Christophe Aubel (Ligue ROC)
Isabelle Autissier (navigatrice)
Robert Barbault (écologue)
Juliette Binoche (comédienne)
Claude Bascompte, (Amis de la Terre),
Alain Bougrain-Dubourg (LPO)
Oscar Castro (metteur en scène)
Jean-Pierre Coffe (présentateur)
Marion Cotillard (comédienne)
Marc Dufumier (agronome)
Claude Dumont (WWF)
Jean-Louis Etienne (explorateur)
Séverine Ferrer (présentatrice)
Thierry Fremont (comédien)
Gilles Gaston-Dreyfus (comédien)
Sébastien Genest (FNE)
François Gèze (éditions La Découverte)
Françoise Hardy (chanteuse)
Izia Higelin (chanteuse)
Jacques Higelin (chanteur)
Nicolas Hulot (FNH)
Pascal Husting (Greenpeace)
Claire Keim (comédienne)
Corinne Lepage (crii gen)
Jonathan Littell (écrivain)
Florent Pagny (chanteur)
Vincent Perrot (Fédération nationale de l’agriculture biologique)
Emmanuel Petit (footballeur)
Jean-Pierre Raffin (scientifique)
Marie-Monique Robin (journaliste)
Daniel Richard (Novapress)
Olivier Rollinger (cuisinier restaurateur)
Rufus (humoriste)
Bernard Saincy (CGT)
Pierre-André Taguieff (philosophe, politologue)
Jean Terlon (cuisinier restaurateur)
Tignous (dessinateur)
Nicolas Vanier (explorateur réalisateur)
Lambert Wilson (comédien)