14, c’est le tocsin qui retentit jusque dans la campagne nantaise. On est en plein mois d’août, Anthime est parti faire une promenade à vélo. Mais la guerre se rappelle à lui. Le voilà qui prépare son départ. Trois de ses amis, Bossis, Arcenel et Padioleau, partagent avec lui ce chemin que tant d’autres prendront encore. Il y en aurait bien un cinquième pour vivre avec eux ce moment d’inquiétude et de camaraderie, mais Charles, c’est différent: devenu notable, il les surplombe avec une arrogance détachée, ce qui ne l’empêchera pas d’avoir un uniforme comme les autres. Les malles se préparent, mais après tout, c’est l’affaire de quinze jours, tout au plus. Dans la foule, une femme, Blanche, est néanmoins inquiète de voir partir Anthime et Charles. Alors qu’elle va chez le médecin pour faire constater son ventre qui s’arrondit, elle le supplie de faire jouer ses relations pour mettre l’homme qu’elle aime à l’abri de la mitraille.
Ce très bref roman ne raconte pas la Grande Guerre: tout a déjà tellement été dit sur cette guerre que toute parole supplémentaire serait superflue. Il s’attache plutôt à raconter le quotidien des hommes que la guerre est venue chercher. Même si je le savais de mes cours d’histoire, j’ai été frappée par l’insouciance avec laquelle les hommes partent au front, résignés et indifférents. Mais comment peut-on réellement prendre conscience de ce qui nous attend, des années à passer dans l’enfer et la boue qui s’annoncent? Leur réaction prosaïque, leur préparation de paquetage, d’uniformes, de nourriture semblent tellement dérisoire et tellement pathétique à la lumière de ce que nous savons, et c’est peut-être là la force de ce texte: rester en-dehors de tout pathos, de tout héroïsme, de tout souffle épique, parce que le contexte les fournit d’eux-mêmes, et rester dans une simplicité et un minimalisme inattendu, jusqu’à ce qu’Anthime se retrouve lui-même sous le feu des balles et prennent conscience de ce qu’il est en train de vivre. Et même ensuite, c’est surtout l’ennui, la lassitude que l’on nous raconte. Il est tout à fait poignant que la seule à dramatiser la situation à sa juste valeur soit Blanche, celle qui ne part pas sur le front. Ce sont des histoires humaines avec leur lot de hasard, d’humour, que l’on nous raconte. L’édition audio respecte cette pâleur voulue, puisqu’on a la chance que ce texte soit lu par l’auteur. Néanmoins, j’ai trouvé que si ce rythme sans fioriture ni excès doit bien donner à l’écrit, il donne à la lecture un texte un peu monocorde et heureusement que le texte n’est pas trop long car à force de ne pas ressentir d’action, on se laisserait presque un peu trop bercer.
La note de Mélu:
Une belle découverte! Un grand merci aux éditions Audiolib et à leur attachée de presse Chloé pour sa patience et sa compréhension.
Un mot sur l’auteur: Jean Echenoz (né en 1947) est un auteur français lauréat du prix Goncourt pour son roman Je m’en vais en 1999.
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