Et si la caractéristique de nos changements, de notre
histoire même était l’utopie, me suis-je demandé récemment. Du coup, j’ai lui Voyages en Utopie, de Georges Jean
(Découvertes Gallimard, 1994), livre qu’un collègue m’a offert il y a vingt
ans. (Ce qui en dit long sur ce qu’il pensait de moi.)
Qu’est-ce qu’une utopie ? La description d’une organisation
sociale idéale.L’histoire de l’utopie commence avec Hippodamos de Millet, à
l’époque de Périclès, qui veut construire une cité idéale. Dès le départ, et
jusqu’à nos jours, l’urbanisme et l’architecture feront chemin commun avec l’utopie.
Puis vient Platon. C’est Thomas More qui donnera à l’utopie son nom (nulle part), et qui va lancer la
tradition moderne. L’utopie est, initialement, une critique de la société, qui
vise à l’améliorer. Mais, progressivement, elle devient réalité. Un genre
littéraire apparaît, la critique de l’utopie (cf. 1984), autre nom du totalitarisme.
Ce livre m’a-t-il amené bien loin ? Tocqueville voyait
la Révolution comme la tentative de réaliser une utopie. Il n’en est pas
question. De même qu’il n’est pas question de l’Unions soviétique, ou de l’Allemagne
nazie et de sa
pensée völkisch. « Tous pensent qu’il convient de substituer des règles simples et
élémentaires, puisées dans la raison et dans la loi naturelle, aux coutumes
compliquées et traditionnelles qui régissent la société de leur temps »
disait Tocqueville des penseurs des Lumières. Au fond, l’utopie est une maladie
de la raison.