Note : 8/10
Meilleurs titres : After The Call/ In Berlin/ Saturday
Tout ce qui nous sort un peu de la politique est bon à prendre ! Je vais donc parler du dernier CD d’Electrelane.
Electrelane est un groupe de filles qui nous viennent de Brighton. Elles sont loin d’en être à leurs débuts. En 2001 elles sortent Rock It To The Moon, un premier album très instrumental qui croise plusieurs influences, psyché notamment mais aussi noisy, dans un curieux mélange d’univers flashbacks et très modernes.
En 2004 un second opus, The Power Out, lui succède. Produit par l’infatigable et inamovible Steve Albini, cet album est assez différent : des voix et plus seulement de la musique, des compos plus "carrées" aux charpentes moins branlantes, une fibre pop sous la production assez rêche (qui flirte avec le krautrock).
Rapidement, un an plus tard, Electrelane fait paraître Axes qui renoue davantage avec l’inspiration des débuts : structures plus amples et alambiquées, majorité de titres instrumentaux.
C’est donc avec une certaine impatience que l’on attendait l’album suivant. Il est conforme à ce qu’on pouvait espérer (enfin, à ce que je pouvais personnellement espérer) : une fusion réussie des directions musicales, jusqu’alors foisonnantes et hétérogènes, du groupe.
No Shouts No Calls semble en effet marquer une pause dans le défrichage musical du quatuor : il synthétise le meilleur des expérimentations passées, des titres accrocheurs avec voix + ossature rock aux nappes instrumentales (mais plus accessibles que d’habitude et souvent ornées de chœurs : "Tram 21").
Et puis, malgré tout, Electrelane s’enrichit aussi : des arrangements parfois plus rock ("After The Call", "Between The Wolf And The Dog", "Five"), d’autres compos qui ressemblent fort à des balades ("In Berlin", "Saturday"), ce qui était jusqu’ici relativement inexistant dans la discographie des Anglaises.
Je me demande si certains ne vont pas interpréter cet album comme quelque chose d’un peu trop gentillet et prévisible, un peu éloigné des risques d’autrefois, à la limite plus "commercial".
Pour ma part c’est le contraire : j’aurais tendance à penser qu’avec cet opus plus simple et direct mais qui filtre subtilement les trois précédents, en extrait la substantifique moelle, Electrelane fait preuve d’une grande maîtrise et se prépare peut-être à élargir son public, sans réellement faire de compromis et à mille lieues de tout renoncement.
Ce qui est éventuellement perdu en péril artistique est largement compensé en cohérence et en justesse – en douceur aussi puisque, malgré la production toujours assez sèche (proche du live), on dirait bien que le groupe se décomplexe, ose davantage l’exposition, la fragilité et la sensibilité, misant sur un lyrisme moins contenu (c’est évident sur les parties de piano dont les notes s’écoulent en cascade mais aussi sur les voix, moins dépouillées).
No Shouts No Calls, au fil des écoutes, séduit en envoûte. Les mélodies, après avoir simplement interpellé, s’incrustent durablement dans le cerveau. Il semble bien que les quatre filles de Brighton aient pleinement réussi leur coup, ce qui donne bien envie de les voir en concert pour juger de leurs titres et de leur présence dans un autre contexte.