L’investisseur débutant est souvent impatient d’investir ses premières économies en bourse. Il a amassé un petit pécule et il lui tarde de le voir fructifier. Il fait ses petits calculs en se fixant des objectifs de rentabilité et élabore divers scénarios à partir de ce point. Ses premières questions tournent la plupart du temps autour du nombre de titres à posséder en portefeuille, en essayant de résoudre la quadrature du cercle : comment, avec un petit portefeuille, être suffisamment diversifié, sans toutefois payer trop de frais de courtage ? Que les investisseurs qui ne sont pas passés par ces interrogations lèvent la main !
Cependant, avant de placer ses billes en bourse, toute personne qui est en quête d’indépendance financière, devrait plutôt commencer par assurer ses bases arrières. Avant de regarder vers l’avenir, il faut régulariser le passé et préserver le présent. Cela signifie en premier lieu que les dettes qui reposent sur du crédit à la consommation soient effacées. Au contraire des crédits contractés pour acheter un actif, comme une maison, ces dettes reposent uniquement sur des dépenses et ne font que vous appauvrir un peu plus.
Pour assurer le présent, et avant d’investir, il est nécessaire de faire en sorte que les événements de la vie ne puissent pas avoir d’emprise sur vous. C’est ce qui fait la différence entre les riches et les pauvres. Combien de fois n’avez pas entendu que quelqu’un n’arrivait plus à payer ses factures à cause d’une dépense imprévue, comme le dentiste par exemple ? Vous devez prévoir ce genre de désagrément, et ne plus compter sur la chance. Tôt ou tard, cela se produit, et si vous n’êtes pas prêt, vous devrez vous endetter inutilement.
L’investisseur débutant est pressé de placer ses économies pour qu’elles lui rapportent de la plus-value. Mais s’il n’a pas pris garde au préalable de garder un fonds de secours pour ce genre d’événement, alors il risque de devoir vendre tout ou partie de ses titres, moyennant frais de négoce, et avec des moins-values. C’est très frustrant d’avoir accumulé des royalties et de ne pas pouvoir les investir au détriment d’un fonds de secours, mais c’est encore plus pénible de devoir vendre ses actions au plus mauvais moment.
Un fonds de ce type offre l’avantage inverse, celui de posséder une abondance de cash en cas de grosse baisse des indices boursiers. Certains partisans des fonds de secours crieront au scandale, mais personnellement je pense que cette manne doit servir aux événements exceptionnels de la vie et les krachs boursiers en font partie. Bien entendu, si l’on procède de la sorte, tout autre investissement sera interdit avant la reconstitution du fonds.
Un autre avantage peu négligeable de cette réserve, c’est de pouvoir s’assurer soi-même contre les petits risques de la vie. Il faut savoir que les compagnies d’assurance prélèvent grosso-modo 15 à 20% de frais « administratifs » sur vos risques. Cela signifie, que dans les primes que vous payez, la plupart du temps dans le vide, un cinquième du montant va directement payer les salaires des assureurs. Le reste ira couvrir les risques d’autres assurés ou dans le meilleur des cas un de vos sinistres, pour autant que l’assurance ne fasse pas la fine bouche, ce qui est quand même souvent le cas. Plutôt que de jouer à ce petit jeu, prévoyez ces couacs de la vie et adaptez votre fonds de secours en conséquence.
Combien placer sur cette réserve ? Cela dépend de votre train de vie et des événements auxquels vous pensez faire face. Citons-en quelques-uns en vrac :
- Frais médicaux / dentiste
- Vol d’un porte-monnaie
- Impôts
- Changement de voiture
- Réparation dans la maison
- Perte d’emploi
- Krach boursier
- Amende
- Frais d’avocat
La liste peut être longue. Ce qui importe c’est de bien définir ce que vous voulez couvrir avec ce fonds, établir votre budget en conséquence, et vous y tenir. Cela signifie que vous ne pouvez pas utiliser cette somme pour des événements qui sortent du cadre que vous avez défini, comme par exemple pour des vacances (quoique vous pourriez le faire si votre fonds a été revu à la hausse… mais dans ce cas il vaudrait mieux créer un nouveau fond spécialement pour les vacances).
Alors combien ? Il est clair que vous ne pouvez pas tout assurer et tout prévoir. Les assurances sont là pour les plus gros pépins. Si vous décidez de vous en tenir à des urgences au sens strict du terme, vous devrez être capable de couvrir un minimum de 3 mois de dépenses. Si vous adoptez une définition plus large de l’urgence, misez plutôt pour un minimum de 6 mois de dépenses. Cela signifie que votre capacité d’épargne est primordiale. Plus vous pouvez mettre de côté, moins vous aurez besoin d’un fonds de secours important. Ainsi, si vous pouvez économiser 30% de votre revenu net, il vous faudra un fonds d’urgence minimum équivalent à 2.1 mois de salaire.
Votre capacité d’épargne est également importante pour constituer ce fonds de secours. Dans l’exemple ci-dessus il vous faudra 7 mois pour constituer le fonds minimal, ce qui reste raisonnable. Que ce soit pour mettre sur pied cette réserve, ou pour épargner en vue de placer son argent en bourse, le principe reste le même : vous devez vous payer en premier, en mettant systématiquement de côté une partie de votre revenu, avant dépenses. Tant que le fonds n’est pas plein, ou s’il a dû être utilisé pour une urgence, l’épargne devra servir en premier lieu à reconstituer les réserves.
C’est vrai que ça peut être démotivant au début, sachant qu’on a dû trimer pour mettre un peu d’oseille de côté afin de placer son argent en bourse. Et là il faudrait patienter encore plus en vue de constituer des réserves supplémentaires de cash. Mais ce fonds de secours permet justement de dormir sur ses deux oreilles et donc de ne pas paniquer au moindre soubresaut boursier, ce qui est le point faible de beaucoup d’investisseurs, en particulier à leurs débuts.
La constitution d’un fonds de secours permet de prendre conscience de la capacité de constituer des réserves de liquidités. En bourse, il vaut mieux patienter, attendre son tour en ayant suffisamment de cash, pour acheter à bon prix de grosses positions, plutôt que gaspiller des frais de courtage importants pour acheter seulement quelques centaines de dollars d’actions. Bien entendu, votre banquier vous dira justement le contraire…