Que peut apporter ce modèle au monde ?
Si Obama confirme son leadership sur le camp démocrate, remporte l’élection de novembre et agit par la suite conformément à ce qu’il déclare, cette réussite, après deux mandats de George Bush vécus par beaucoup d’Américains comme un gâchis au plan tant intérieur qu’extérieur, offrira bien sûr la chance d’un autre positionnement des Etats-Unis, plus ouvert, moins unilatéral, bref, moins caricatural.
Au-delà des dossiers géopolitiques du moment, ce modèle pourrait aussi, pour ainsi dire par contagion, inspirer d’autres démarches progressistes renouvelées, capables par davantage d’attention aux faits comme par une inspiration juste parce que longuement mûrie au contact des réalités sociales, de mieux dépasser les antagonismes, d’associer mobilisation collective et responsabilisation individuelle, de représenter encore un ancrage possible pour un multiculturalisme à la fois tolérant sur les mœurs et exigeant sur les principes.
Si l’on associe de surcroît au sénateur de l’Illinois sa femme, Michelle, reconnue par nombre d’électeurs américains comme une personnalité elle aussi exceptionnelle – voyez encore le discours qu’elle a prononcé le 16 mars à Villanova (Pa) –, c’est un modèle doublement neuf, complémentaire, que donne à voir la montée en puissance de Barack Obama, et qui laisse ainsi également entrevoir une intelligence plus complète et des rapports plus mûrs entre les sexes.
Que nous dit-il enfin sur la France ?
En nous invitant à porter un regard sur l’Hexagone à la fois attentif et distancié, ce modèle fait aussi apparaître, en creux, quelques unes de nos faiblesses en matière de leadership, qu’il soit d’ailleurs de droite ou gauche. Il en va du changement chez nous comme des westerns en Amérique : pas plus que « le bon » ne sait entraîner, « la brute » ne peut rassembler. Or, si « le truand » n’est jamais une bonne option, la question du leader, des leaders, est bien en revanche une question posée avec acuité aujourd’hui à la société française.
Ce nouveau modèle de leadership fait d’abord ressortir le fait que nous sommes, nous aussi, un pays profondément clivé et figé sur des antagonismes anciens qui peinent à faire davantage de place au pragmatisme et à l’innovation. Il y a là, à l’évidence, aussi bien un déficit de méthode qu’un passage de relais difficile de la génération du baby boom à celle d’après Mai 68. La capacité de ce nouveau leadership à la fois à rassurer et à réintroduire de la confiance révèle aussi la primauté des peurs au sein de la société française et cette propension assidue au découragement et au cynisme plutôt qu’à l’expérimentation et à l’action.
Bref, d’un peu plus loin qu’avec notre focale habituelle, l’émergence entraînante du nouveau style de leadership que représente Barack Obama ne fait ressortir qu’avec davantage de force encore notre difficulté à renouveler nos références démocratiques et à impulser de nouvelles dynamiques, dans lesquelles la réforme ne serait pas l’ennnemie du plus grand nombre ; c’est là d’ailleurs tout l’enjeu de la feuille de route que représente le rapport Attali qui cristallise bien, de fait, cet enjeu de génération.
Ainsi, l’engouement perceptible dans notre pays pour Barack Obama ne représente-t-il pas seulement l’attente d’une Amérique nouvelle. Il exprime aussi, chez nous, avec vigueur le besoin de dépasser les vieux clivages inopérants dans un monde en mouvement.