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L'homo socialistus reloaded

Publié le 04 avril 2013 par Despasperdus

« Mes ami-e-s,

Permettez-moi de vous présenter la version actualisée d'une de mes dernières conférences scientifiques consacrée aux bipèdes indigènes qui peuplent la socialosphère, aussi bien le ministre socialiste, le politicien professionnel qui n'a jamais connu d'autre milieu professionnel, le militant encarté qui vit directement ou indirectement du PS dans une fédération socialiste ou une collectivité locale, le militant qui aspire à devenir élu, le militant dévoué et sincère qui ne prétend à aucun poste ni à aucune distinction, et le simple sympathisant socialiste qui vote pour n'importe quel candidat socialiste...

Ces deniers mois, des éléments nouveaux qui ont perturbé la socialosphère tels que les résultats désastreux aux élections partielles, l'inédite casse du droit du travail avec l'ANI, la guerre au Mali, ou la malencontreuse affaire Cahuzac m'ont permis de compléter et d'affiner notre étude.

Le sujet Homo socialistus ou Homo socialtraitrus, plus connu sous le sobriquet de militant ou de sympathisant socialiste, se démarque des autres espèces par ses exceptionnelles qualités d'adaptation, de suivisme et d'obéissance qui, par exemple, font aujourd'hui de lui un thuriféraire du TSCG alors qu'il était auparavant un ennemi acharné de la finance !

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L'évolution de l'Homo socialistus est fascinante. Depuis juin 2012, il est devenu un partisan du sarkozisme normal, s'opposant avec vigueur à un référendum sur le traité négocié par Sarkozy, défendant la RGPP normale, les expulsions normales de Roms, les conflits d'intérêts normaux, la rigueur normale, l'austérité normale, la baisse du pouvoir d'achat normale, la flexibilité normale, les franchises médicales normales,les bonus normaux, la spéculation normale, les coupes budgétaires normales, les hausses d'électricité et d'hydrocarbures normales, l'Hadopi normale, l'impérialisme normal et l'atlantisme normal... et même le patriotisme normal.

Hé oui mes ami-e-s, l'Homo socialistus est un être particulièrement paradoxal. Il ne supporte pas la politique de droite menée par la droite mais il défend becs et ongles un gouvernement socialiste qui mène une politique de droite... Comprenne qui pourra, dit-on en langage familier, et c'est justement l'objet de ma présente étude.

Certains affirment trivialement que l'Homo socialtraitrus est un dangereux opportuniste ou un traitre. En vérité, l'Homo socialistus a une mémoire de poisson rose. Il oublie ses convictions d'antan. Et à force d'oublier, il n'a même plus de conviction. Il ne fait que s'adapter aux désidératas des lobbies patronaux et oligarchiques. L'Homo socialistus est un caméléon, sans jeu de mots !

Parfois, l'Homo socialistus a quelque velléité à frayer en courant mais il suffit de lui donner un hochet ou de lui faire miroiter un poste. Alors, l'Homo socialistus se réunit dans diverses foires et attrapes communément dénommées congrès et bureau national où il commissionne et synthétise.

Sociologiquement, l'Homo socialtraitus appartient aux classes sociales moyennes ou supérieures. L'élite Homo socialistus a été formée dans les grandes écoles. Elle appartient à la noblesse d'État. Aussi, son adhésion au parti socialiste est un choix de carrière, mûrement réfléchi, qui exceptionnellement peut être motivé à l'origine par des convictions sociales et humanistes sincères. A noter que quelques sujets sont issus de professions libérales : chirurgie capillaire, brocante-antiquité...

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L'Homo socialistus se démarque de ses semblables par un sens aigu du réalisme et du pragmatisme. D'ailleurs, il ne jure que par la mondialisation heureuse, le libre-échange sans entrave, le productivisme débridé conforme au développement durable, la petite entreprise du CAC 40, la diminution des charges sociales et l'Europe sociale à la Goldman Sach.

L'Homo socialistus considère que les organisations à gauche du PS sont des losers, mauvaises et ringardes, qu'il faut tout de même ménager au cas où.

Aussi, l'Homo socialtraitus fait le dos rond et verse beaucoup dans la pédagogie : si le peuple s'oppose au TSCG et à l'Europe de la finance, c'est carrément en raison d'un manque de pédagogie.

L'homo socialistus estime qu'avec plus de pédagogie, le peuple comprendrait que les délocalisations, la baisse du coût du travail et du pouvoir d'achat, le chômage de masse et la généralisation des CDD et de l'intérim, c'est finalement pour son bien, pas immédiatement hein, mais pour bientôt ! Contrairement à l'Homo socialtraitus, le peuple n'est pas allé dans les grandes écoles. L'Homo socialistus pardonne au peuple mais pas jusqu'à lui demander son avis sur le TSCG : faut pas déconner !

Les plus brillants Homo socialtraitus ont leur rond de serviette dans la bonne société. Ils participent à divers raouts néo-libéraux tels que Le Siècle, l'université d'été du Medef, la trilatérale, le cercle de l'entreprise ou un modeste conseil d'administration d'entreprise du CAC40. On en connait qui obtiennent des prêts à titre gratuit ou qui ont un compte bancaire à l'étranger tout en exigeant des autres qu'ils se serrent la ceinture...

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De militant de la lutte des classes, l'homo socialistus est devenu un compétiteur de la lutte des places. L'individualisme a supplanté le collectif, la redistribution des richesses a été mise au rencard au profit du mérite et l'enrichissement individuel, à tel point que certains sujets ont cédé aux sirènes de l'argent roi, allant même jusqu'à pratiquer un sport réservé aux oligarques, à savoir l'optimisation fiscale, voire même la fraude fiscale ! D'ailleurs, le premier secrétaire du parti considère que dénoncer la finance internationale est un acte empreint d'antisémitisme... La conversion à TINA et au néolibéralisme est achevée !

Statistiquement, l'habitus de l'Homo socialistus moyen est fort classique. L'Homo socialtraitus a bazardé les ouvrages de Marx, Engels, Lassale, Proudhon, Jaurès, Blum... Il se repait désormais des rapports du think tank Terra Nova, des livres de Jacques Attali, d'Alain Minc ou d'Alain Duhamel.

C'est un sujet conscient des problèmes de son temps, de la complexité du monde moderne. Il est très compétent et prêt à relever les défis de la modernité. C'est pourquoi au terme d'une analyse de haute volée, l'Homo socialistus est un européen convaincu qui estime que tous ceux qui s'opposent à l'Europe néo-libérale et au TSCG sont de dangereux nationalistes, voir même des xénophobes pour paraphraser deux expérimentés maîtres en politicologie comportementale, Serge July et Philippe Val.

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Bien entendu, l'Homo socialtraitus est un animal cultivé. Il ou elle adore la littérature classique. Angot, Attali, Orsenna, Sollers sont ses auteurs favoris. Il s'informe quotidiennement en lisant Libération et le Monde. Par contre, il n'aime guère Médiapart, un site qu'il estime trop orienté, vraiment pas objectif ! Il se culture avec Les Inrocks et Télérama. Il déteste la télévision mais possède un Home cinéma pour suivre confortablement l'interview du président par Claire Chazal. Il adore Ken Loach même s'il estime que la prod pourrait faire un effort pour les décors et les costumes, bien trop cheap et souvent de mauvais goût. Le week-end, l'Homo socialtraitus aime chiner mais n'en déduisez pas qu'il est fabiusien. Chaque semaine, il fait ses emplettes après avoir étudié consciencieusement les enquêtes de consommation et les tests comparatifs du NouvelObs, et surtout l'analyse high tech de Jean Daniel pour savoir si la dernier Iphone est conforme au commerce équitable et à l'éthique camusienne.

Pour faire peuple, l'Homo socialtraitus lit L'Equipe. Il lui arrive même de péter mais uniquement dans la soie. Ou de boire une bière, mais exclusivement en campagne. L'Homo socialtraitus vit avec son temps. C'est un internaute accompli qui lit religieusement les billets de Quatremer et de nos confrères des leftblogs. L'Homo socialistus est sensible à la protection de l'environnement grâce à l'éminent Claude Allègre et à l'influence idéologique de Cécile Duflot, sans toutefois remettre en question grâce à la dialectique l'énergie nucléaire. Enfin, l'Homo socialtraitus fréquente TINA, si assidument que ça en est indécent !

Nos recherches nous ont conduit à distinguer 4 grands types d'Homo socialistus :

1 L'Homo socialistus soumis

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Il accepte toutes les merdes libérales au motif que ça ira mieux dans un avenir indéfini. Chez l'Homo socialistus soumis, l'enfer est pavé de bonnes intentions : l'austérité c'est forcément pour le bien du populo, pardi.

Ainsi, il soutient mordicus le TSCG en espérant qu'un prochain traité sortira l'Europe de l'impasse. Ces derniers temps, l'Homo socialistus soumis ne manque jamais de gonfler l'importance du minuscule pacte de croissance obtenu par l'Homo socialistus en chef, Hollande...

Voyez-vous, l'Homo socialtraitus soumis est un fanatique de l'Europe qui croit religieusement que tous les problèmes sont dus au manque d'Europe, et qu'il faut toujours aller plus loin dans "l'intégration" européenne même si les traités sont de plus en plus mauvais et nuisibles.

A l'instar des Homo Libéraux Environnementalistus Cohn-Bendit et Bové, l'Homo socialtraitus soumis craint qu'un rejet du TSCG l'empêche de participer aux négociations. Or, que peut-on espérer de négociateurs qui acceptent tous les caprices des marchés financiers, sinon le pire ? Bref, l'Homo socialtraitus soumis est soit un benêt, soit un menteur qui estime qu'une politique de droite est nécessaire pour mener ensuite une politique de gauche...

2 L'Homo socialistus conservateur

Il a la peur du vrai changement au nom du réalisme et du pragmatisme.

L'Homo socialtraitus conservateur répète constamment que les opposants au TSCG n'ont pas de plan B sans s'étendre sur les causes de la situation actuelle. Pour sa défense, et je vous renvoie à mon analyse sociologique précitée, l'Homo socialistus conservateur n'a pas été encore trop touché par "cette crise". Il croit sincèrement que tout le monde a sa chance ! Il est même favorable à une deuxième ou troisième chance pour réussir ! Et sinon, il ne manquera pas de rappeler que ses camarades de chambrée, Michel Rocard et Martin Hirsch, ont prévu un petit encas pour éviter que les perdants crèvent trop la dalle. L'Homo socialistus conservateur a conscience de l'utilité d'un revenu minimum au-dessous du seuil de pauvreté...

L'Homo socialistus conservateur perroquette les litanies néo-libérales sur la dette. Il croit au tropisme français qui par miracle ferait que toutes les politiques d'austérité et de régression sociale qui partout ont échoué, réussiront en France ! D'ailleurs, il ne condamne jamais les politiques de régression sociale de ses copains Papandreou, Zapatero, Blair ou Schröder, mais les justifie avec aplomb !

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Vous l'avez compris, l'Homo socialtraitus conservateur a descendu Marx et Jaurès à la cave pour marquer sa conversion aux charmes du néo-libéralisme à visage humain, à la saine concurrence et au libre échange sans entrave. Quand il se laisse aller, l'Homo socialtraitus conservateur se qualifie de libertaire.

3 L'Homo socialistus cynique.

Il soutient avec enthousiasme les mesures les plus néo-libérales du gouvernement socialiste et environnementaliste, même les plus inacceptables au motif que s'y opposer ferait le jeu de la droite ! Comme s'il était acceptable qu'un gouvernement qui se réclame de la gauche mène une politique de droite !

L'Homo socialistus cynique est un aveugle qui feint de s'étonner à intervalles réguliers, c'est-à-dire au moment des élections, que des citoyens ne différencient plus la gauche de la droite, et basculent dans l'abstention ou dans le vote FN. Il développe un complexe de supériorité en accusant les autres force de gauche de ne pas participer à son délire ou de ne pas accepter ses avances.

L'Homo socialistus cynique est généralement soit un élu, soit un ancien élu soit un futur élu, voire même un apparatchik ou un futur apparatchik. Autrement dit,l'Homo socialtraitus compte parmi les actifs les plus privilégiés. Sa soumission au parti le préserve des affres de la "crise" du capitalisme financier, dont finalement il s'accommode. A priori, la plupart des Homo socialistus cyniques n'ont jamais exercé un métier autre que celui de politicien. D'ailleurs, le nouveau premier secrétaire du PS compte parmi ceux-là.

4 L'Homo socialistus de gôche

Historiquement, ce sujet s'inscrit dans la ligne historique de la vieille maison, fidèle à la tradition de transformation sociale du parti et aux idéaux de Jaurès. Il n'a pas complètement oublié les enseignement de Marx. Et, il demeure très attaché à l'union des forces de gauche.

L'Homo socialistus de gôche est une espèce en voie d'extinction qui se rapproche plus du mammouth que de l'éléphant. Les survivants ont rejoint le Front de gauche, les autres se sont ralliés sans état d'âme à la ligne social-libérale de François Hollande. Pour preuve, il ne s'est pas trouvée une voix pour s'opposer au TSCG lors du dernier bureau national du parti socialiste.

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L'Homo socialistus de gôche est l'idiot utile du parti socialiste. Il fait perdurer un certain folklore au sein de la vieille maison, ce qui est bien sympathique. Mais surtout, il maintient astucieusement l'illusion que le PS lutte contre les inégalités afin d'attirer les électeurs de la gauche radicale.

Bref, la trajectoire de l'Homo socialistus de gôche s'apparente à un naufrage à la fois idéologique et stratégique. On ne peut arriver à la conclusion que ce sujet est un couillon qui pense naïvement changer de l'intérieur le parti socialiste en influant sur sa ligne politique, ou un hypocrite qui se positionne ainsi pour se distinguer de ses congénères et devenir élu, voire même ministre.

Ce qui étonne le plus chez un Homo socialistus de gôche, c'est son appétit insatiable. Il avale tellement de couleuvres qu'il pourrait figurer au Guinness World Records. On le soupçonne d'ailleurs du pêché de gourmandise.

Bref, chères consœurs et chers confrères, l'Homo socialistus est généralement soumis, conservateur, cynique, et parfois de gôche. Mes études m'amènent à la conclusion que l'Homo socialistus français devrait connaitre le même destin que ses congénères dans le reste dans l'Europe et en Amérique Latine, qui après avoir appliqué des politiques dignes du TSCG, ont subitement vu leurs rangs décimés.

En définitive, ce qui m'étonne le plus chez l'Homo socialistus, c'est sa faculté à mettre ses pas dans ceux de la droite et de la social-démocratie européenne. Et, chez certains d'avoir les mêmes travers comportementaux que ses comparses de droite et du patronat... »

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