L’information est bien réelle, elle fait sourire, elle confirme que les années passent et que nous n’avons pas de mémoire : loin, très loin de nous, dans un archipel ensoleillé d’Océanie, une compagnie régionale instaure de nouvelles grilles tarifaires. Et elle fait payer ses passagers en fonction de leur poids. Environ 6 euros le kilo.
C’est incongru, délicieusement rétro mais ce n’est pas nouveau. En feuilletant d’une histoire de l’aviation bien illustrée, on peut facilement retrouver l’une ou l’autre photo de passagère élégante, un peu embarrassée par les formalités d’enregistrement, qui monte sur la balance, par exemple dans la salle des 8 colonnes de l’aéroport du Bourget. Tenu par le secret professionnel le plus strict, l’employé d’Air France se prépare à noter scrupuleusement le poids de la dame. Sans se permettre le moindre commentaire, bien sûr, l’information étant destinée à nourrir la «load sheet» que consultera puis signera le commandant de bord, quelques minutes plus tard. En ces temps-là, en effet, la connaissance de la masse exacte au décollage de tout avion commercial constituait une information vitale pour la sécurité.
Des décennies plus tard, pour de tout autres raisons, cette manière de faire revient dans l’actualité et nous vaut un petit moment de détente au cœur d’une actualité aéronautique habituellement plus sévère.
Samoa Air, basée dans l’Apia Park, estime que le prix du carburant est désormais tel qu’il convient de prendre des mesures drastiques pour mettre les recettes en adéquation avec les dépenses. Et cela même lorsque le type d’avion utilisé est le sympathique petit Britten-Norman BN-2A Islander. Lequel eut son heure de gloire il y a 50 ans, sorti de l’imagination de John Britten et Desmond Norman. Leur bimoteur fut produit dans l’île de Wight, puis en Belgique, et plus d’un millier d’exemplaires continuent à sillonner le monde.
Le directeur de Samoa Air, Chris Langton, a fait une apparition furtive au journal de 20 h de France 2, le temps d’expliquer que ses passagers filiformes ne doivent en aucun payer pour leurs compagnons de voyage souffrant de surcharge pondérale. Tout comme de jeunes enfants, même s’ils ont droit à une place entière, ne doivent logiquement pas acquitter le même prix qu’un adulte. Aussi les balances sont-elles réapparues.
Apparemment, chacun s’y retrouve, d’autant que le même régime est appliqué aux bagages. Une formule de plus en plus répandue et appliquée sans nuances, d’autant que cette manière de faire est plutôt vue comme une astuce, une manière de relever la recette moyenne par passager sans le lui dire en face. Ce n’est pas vraiment élégant et, quoi qu’on en pense, on peut désormais craindre le pire : que se passera-t-il dans l’hypothèse où la manière de procéder de Samoa Air viendrait aux oreilles de Michael O’Leary ?
Peut-être les Weight Watchers y trouveront-ils un nouvel argument commercial. Entre-temps, Catherine Maunoury, sémillante directrice du musée du Bourget, cherchera peut-être à revendre les précieuses balances abandonnées dans ses réserves. Ainsi, chacun y trouverait son compte, obèses mis à part.
Pierre Sparaco - AeroMorning