Le mois d’avril commence fort mal pour le Parti Officiellement Socialiste : c’est une véritable brouettée de colombins joufflus qui viennent d’être propulsés dans le ventilateur médiatique. Ne vous inquiétez pas : c’est Normal.
Et quand je parle de brouetté, quelle brouetté !
Le mois d’avril n’est pas même vieux de quatre jours que déjà se déplient des affaires qu’on savait importantes et qui se dévoilent retentissantes. Bien évidemment, il ne s’agit pas ici de nouveautés pour quiconque est un peu au courant de la politique politicienne à la française : ces affaires sont l’aboutissement logique de la frénésie de corruption qui s’est emparée du pays depuis des décennies, et ne constituent en réalité qu’une étape dans l’épuisant nettoyage récurrent de ces écuries d’Augias permanentes.
Le cas Guérini serait banal sans l’ampleur des faits qui lui sont reprochés : complicité d’obstacle à la manifestation de la vérité, prise illégale d’intérêt, trafic d’influence et association de malfaiteurs. C’est, on peut le dire, une assez jolie panoplie d’accusations qui fleurent bien plus le côté Don Corleone que respectable élu d’une République qu’un dessert fromager, arrivé président sur un malentendu, entendait voir irréprochable. On s’amusera au passage d’apprendre que le contribuable, cette autoroute sur laquelle toutes les mafias, tous les élus et tous les pourris passent à tombereaux ouverts, va encore une fois devoir payer la note pour la défense du baron socialiste du Sud : non seulement, on enfle le gogo qui paye ses impôts, mais on lui demande encore de payer pour défendre les corrompus.
On aura donc la plus grande attention pour ceux de ces contribuables qui n’ont pas encore décidé de se faire mensualiser par une administration fiscale détendue de la ponction fantaisiste : le 15 mai prochain, Cahuzac ne sera pas le seul politocard dont il faudra honorer la mémoire en signant le chèque provisionnel ; Guérini vous enverra, lui aussi, ses petits bisous sucrés.
Bien évidemment, le cas Cahuzac nous permet aussi de nous rafraîchir la mémoire sur la valeur des hommes en poste. Et un rapide tour d’horizon des déclarations outragées des « amis » du ministre déchu suffit à bien comprendre qu’un parti politique est probablement le pire cloaque humain qui puisse se trouver puisque tout montre qu’y ont été sélectionnés les pires psychopathes, mafieux, traîtres et aigrefins qu’on peut trouver dans la population… Encore une fois, il est difficile de trouver les mots justes tant la réalité dépasse l’exagération caricaturale : « disqualifié moralement » pour les uns (qui peuvent exclusivement se targuer de n’avoir pas eu, encore, d’affaires à leur nom), « il n’y a pas de «pardon» » pour d’autres (qui n’auront cependant aucun mal à le réclamer lorsqu’ils se feront, à leur tour, pincer), pas de doute, le Cahuzac est rhabillé pour les trois prochaines saisons. Pour Malek Boutih, parfaitement irréprochable lui-même, on aurait à faire ici à « Un menteur professionnel. Il a scotché tout le monde ! » David Assouline trouve pour sa part que tout ceci « entache la « République exemplaire » », adjectif qu’on aura bien du mal à lui accoler.
Je n’évoquerai pas les larmes d’acteur de Gérard (Filoche, pas Depardieu : le premier, besogneux inspecteur du travail, fermait des boîtes sans aucun scrupule dans une France en crise quand l’autre en créait) : il s’agit d’un pur exercice de show-business, le ventripotent tribun ayant depuis longtemps compris qu’on n’attraperait pas les mouches (électrices) avec du vinaigre mais du miel, celui de l’émotion, surjouée s’il le faut.
Le pompon, bien évidemment, est largement décroché par l’actuel secrétaire du PS, petit Janus de Prisunic, une face baignée de l’auréole de l’honnêteté, l’autre plongée dans l’obscurité des tréfonds nauséabonds d’un parti aussi putréfié que le reste de la classe politique du pays. Dans la surenchère à celui qui est le plus droit et le plus moral, ce sont toujours ceux qui ont le plus de casseroles à trimbaler qui se font les plus vocaux à dénoncer le vilain petit canarhuzac.
Secoué, que dis-je, shaked, par une telle révélation, Harlem Shake Désir explique carrément que le Jérôme s’est exclu de facto du Parti, réputé pour n’avoir en son sein que des gens probes, à l’honnêteté d’airain et au casier judiciaire aussi vierge qu’un jeune enfant (et pas comme ceux que certains politiciens fréquentent à Marrakech, hein).
Eh oui : pour l’ex-patron de SOS Racisme,
« Les fautes, politique et morale, de Jérôme Cahuzac, exigent la sanction la plus ferme, envers des actes et un mensonge inacceptables. »
SOS Racisme dont, il faut bien le dire, la gestion n’avait pas été tip-top, avec ou sans l’aide de notre ami Tramway Désir puisqu’en 2009, six de ses membres de direction furent placés en garde à vue pour des petits soucis financiers. Avec Sopo, on retrouva bien évidemment Julien Dray, le centurion Rolex, un autre élu, lui aussi socialistes (c’est une mode) qui avait eu le bon goût de collectionner des montres à plusieurs dizaines de milliers d’euros pièce, ses émoluments républicains (ainsi que ceux de sa femme) le lui permettant sans aucun doute.
C’est tout de même piquant qu’un ex-président d’association douteuse s’exprime sur les planques fiscales d’un ex-ministre, en fustigeant comme il se doit le vilain fraudeur, alors même l’association dont il fut le président fut inquiétée pour une gestion très à l’aise sur les bilans…
C’est tout de même caricatural qu’un actuel premier secrétaire permette de faire des petites phrases et de longs discours baignés de moraline à bas prix lorsqu’il fut lui-même condamné, le 17 décembre 1998, à 18 mois de prison avec sursis et 30.000 francs d’amende pour recel d’abus de bien sociaux.
C’est tout de même symptomatique qu’aucun de nos journaux ne rappellent les casseroles, lourdes, nombreuses, bruyantes, chromées, cuivrées, que tous nos élus, que tous ces parangons de vertu outragée traînent comme autant de boulets et qui ne semblent pas les gêner dans leur course à l’échalote.
Et c’est tout de même particulièrement dramatique que, pendant ce temps, la France continue de dépenser des dizaines de millions d’euros par jour pour conserver des militaires au Mali et en Afghanistan ; que pendant ce temps, la France continue d’emprunter sur les marchés pour compenser l’absence totale et définitive de toute économie sur les budgets des collectivités locales, des régions ou de la nation ; que pendant ce temps, la France continue de voir les petites et moyennes entreprises se fermer les unes après les autres, et de voir le chômage augmenter ; que pendant ce temps, les efforts conjugués des socialistes de droite et de socialistes de gauche soient parvenus à dissoudre la classe moyenne dans la classe prolétaire voire pauvre, et que ne subsiste plus qu’un unique magma mou, cheptel docile prêt à tondre.
Et que pendant ce temps, le capitaine de pédalo continue à pédaler, sans but.