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On frôlait le grandiose

Publié le 04 avril 2013 par Rolandbosquet

grandiose

   Henri Pourrat écrivait : « Tous mes goûts sont dans la nature ! » Pourrait-il s’exprimer ainsi aujourd’hui ? Ses goûts étaient auvergnats avant d’être universels. Qu’en est-il de la nature ? On dit que les coups de butoirs mercantiles de l’homo occidentalis l’ont bousculée sinon martyrisée. François d’Assise retrouverait-il aujourd’hui ses oiseaux et Jean-Jacques Rousseau son Émile ? La nature remonte aux époques les plus reculées. La terre esquissait ses premiers entrechats dans le formidable ballet cosmique qui suivit le fameux Big-bang. On frôlait alors le grandiose. L’homme n’était pas encore moderne. Ses vagissements n’avaient même pas encore troublé la quiétude sauvage des couchers de soleil sur les landes désertiques. Depuis ces temps immémoriaux, majestueusement drapée dans ses blasons de vieille noblesse, la nature déploie sans discontinuer ses fastes luxuriants. Elle a régulièrement subi au cours des millénaires les farouches convulsions d’une terre immature. Déluges et glaciations. Météores et  volcans. Pluies acides et sécheresses. Des continents entiers à l’humeur vagabonde se laissent paresseusement dériver au fil de l’eau. Des montagnes s’élèvent. D’autres s‘érodent. Mais les océans sont toujours là. Massifs et incontournables. Immuables et opiniâtres comme une idée fixe dans un crâne de paysan d’autrefois. Plantés l’un au nord de la Terre et l’autre au sud comme deux bornes gigantesques, les pôles étalent toujours leur blancheur glacée. A l’équateur, les eaux transparentes des lagons viennent toujours lécher les plages de sable blond pour milliardaires cossus. Car après chacun de ces excès de fièvre, grouillements, bouillonnements, turbulences et autres contorsions, la nature, inlassablement, réinvestit ses territoires.  Replantant ses arbres jusqu’aux endroits les plus inattendus, régulant les cours d’eaux et égayant leurs rives de fleurs et de libellules. Asséchant des marais, irrigant des déserts, ouvrant une mer ici, en fermant une autre là. Y hébergeant moultes poissons et invitant les biches et les cerfs jusqu’au cœur de ses immenses forêts. Ainsi des célèbres volcans d’Auvergne qui crachaient hier les brûlantes entrailles de la terre et ne sont plus aujourd’hui envahis que de fétuque et de ray-grass agrémentés, ici ou là, d’un bougnat à son comptoir et de quelques touristes assoiffés pour le respect du folklore. Nulle révolution ne peut entraver l’irréductible  vitalité de la nature. L’homme, parfois, s’essaie bien à aménager à son seul profit le fond de telle vallée, le cours de telle rivière. Il lui arrive même de bâtir des villes immenses et tentaculaires. Il ne faut guère de millénaires à la nature pour reprendre ses droits. Les rues pavées de granit disparaissent sous les herbes folles. Les allées des somptueux jardins sont mangées par le chiendent. Les temples majestueux  croulent sous les racines tortueuses des chênes et des bouleaux. Et lorsque l’homme se montre par trop orgueilleux, la nature peut même s’ébrouer comme un chien au réveil et cracher ses flammes destructrices sur ses mœurs décadentes. Nombre de brillantes civilisations humaines ont ainsi disparu, englouties à jamais dans les oubliettes du passé. De temps à autre, un archéologue passionné met à jour une momie, un grattoir, une peinture rupestre, une sculpture de Vénus callipyge, une tablette cunéiforme. Que dis-je ? Un calendrier prédisant la fin du monde. Piètres souvenirs des splendeurs défuntes pour rappeler à l’homme que la nature n’aime pas ces gratouillis ridicules qu’en son orgueil démesuré il lui inflige inconsidérément. Ça l’agace. Elle n’aime pas le changement et n’a de cesse de restaurer le monde dans ses hardes d’origine. La nature est naturellement conservatrice. (© Roland Bosquet)


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