Le sexagénaire égraine cependant
les chansons de son dernier album « Bleu pétrole ». Les unes
après les autres. Avec nonchalance, assurément. Avec brio, indubitablement. Aux
premières notes d’un nouveau morceau, une femme, au deuxième rang, se lève d’un
bon. Agite ses bras en sautillant, puis consent à se rasseoir. Dans la salle,
le long des rangées des sièges, se tiennent d’autres fans. Debout, souvent un
verre de bière à la main, ils dansent, reprennent les refrains qu’ils
connaissent déjà, à peine trois semaines après sa sortie de l’opus.
Depuis l’album « L’imprudence »
(2002) Alain Bashung se faisait rare. La critique l’attendait au tournant,
comme toujours. Pourtant, chacun des ses nouveaux albums fait des étincelles et
ajoute à son tableau son lot de tubes. Une dizaine aujourd’hui, de « Gaby,
oh Gaby », en passant part « Osez Joséphine »,
« Vertige de l’amour » ou encore « Ma petite
entreprise ». Malgré ses quarante années de métier, il n’a pas sur le
dos, qu’il expose sur sa dernière pochette de CD plutôt que son visage,
l’étiquette du vétéran. En 2008 son univers musical de rockeur un rien déprimé
et underground, textes et chansons font encore l’unanimité. Des textes ciselés,
voire violents, désabusés et pertinents.
Sa présence fantomatique
entre deux projecteurs aux rayons blanchâtres rappelle celles des piliers de
bras. Mais un habitué distingué, aux allures de dandy désenchanté. Un de ces
hommes tapis au fond d’une salle enfumée qui prend la parole sans crier gare.
Pointant un doigt vengeur ou alarmant vers le ciel avant d’aligner quelques
vérités bien senties sur l’avenir du monde et l’hypocrisie humaine, d’une voix
mélancolique et calme. Puis qui replonge dans un mystérieux silence,
impénétrable.
Bashung, impassible sur la
scène du Magic Mirror, c’est un peu cela, un sage qui ne fait pas de vague, ou
qu’à l’occasion seulement. Sur un album ou une scène. Tout ce qu’Alain Bashung
a à dire se trouve dans ses chansons.
Photos : Claire Berthelemy. Tous droits réservés.