Dans son antre, Paris s’embellit

Publié le 03 avril 2013 par Idealmag @idealmag2

Vous passiez depuis toujours devant le Panthéon, vous alliez au travail sans jamais y jeter un coup d’œil.

Sa vieille horloge ne marche plus et cette antiquité n’apporte aucune utilité à votre petit train-train quotidien. Puis un jour, le tic tac de celle-ci reprend son droit dans votre existence.

Vous relevez les yeux et l’horloge fonctionne. C’est tout votre monde qui change. Chaque matin, un coup d’œil à ses aiguilles et son tic tac vous berce.
Mais une question vous trotte dans la tête. Qui est responsable de ce miracle ? Aucune annonce n’a été faite sur la réparation de cette horloge.

Dans les caves des monuments de Paris, dans les souterrains chaque nuit, passent et repassent des hommes et des femmes. Dans le noir, munis d’une simple lampe frontale, ils arpentent les entrailles de la ville pendant que vous dormez tranquillement. Des clandestins ? Des voleurs ? Des Voyous ?

Non, des révolutionnaires pacifistes. Ils agissent dans l’ombre pour un seul idéal : « Restaurer les parties invisibles du patrimoine que l'administration a abandonnées ou n'a pas les moyens d'entretenir. »


1. Ils agissaient, ils agissent et ils agiront encore

Untergunther   Voilà 30 ans que ces hommes, ces femmes, agissent dans les nuits parisiennes. Un vent de « révolution 1936 », voire celle de 1789, souffle après chacun de leurs passages. Ce ne sont pas des clandestins et encore moins des sectes. Juste une organisation secrète avec un but noble : « réparer ce que la société délaisse. »

Ce groupe d’une centaine de personnes, divisé en plusieurs équipes spécialisées, est constitué d’infirmiers, d’instituteurs, de menuisiers… Des gens, comme vous et moi, qui dorment juste un peu moins que nous. Ils se nomment les « Untergunther » qui fédèrent aussi d’autres groupes tels que « Mouse House », ou encore « la Mexicaine de Perforation ».

Ces trois groupes agissent en secret, organisent des festivals de cinéma, des animations culturelles où une vingtaine de personnes sont réunies. Des lieux éphémères sont créés, des pseudo sont utilisés... une vraie organisation qui détourne sans problème les services de sécurité et les alarmes.
Mais même la plus noble cause et la plus pure des idéologies trouve ses « ennemis ». Mais qui serait assez con pour leur mettre des bâtons dans les roues ?
 

2. La connerie d’une société :

En août 2004, un anonyme dénonce une salle de projection clandestine occupée par la Mexicaine de Perforation. Elle était utilisée pour des événements artistiques. À partir de là, des bruits se font entendre, des enquêtes sont lancées. Mais rien ne les arrête, et ils ne sont pas si faciles à trouver.

Ils décident en 2005 de s’attaquer à l’horloge du Panthéon. Il faut savoir que dans les années 1960, un employé du monument l’avait sabotée par fainéantise. En effet, pour qu’elle fonctionne, il fallait la remonter toutes les semaines.

Petit à petit, elle fut abandonnée à son triste sort et finit par faire partie du paysage silencieux qu’abrite le Panthéon. C’est là que notre groupe intervient : avant que l'état de dégradation ne devienne irréversible, ils agirent sous la direction de l’horloger Jean-Baptiste Viot, sans rien dire. Il en va de soi qu’ils procèdent sans consentement et donc sans promotion ou publicité ni même aide financière.

Et pourtant, en septembre 2006 à la fin de la restauration, ils décidèrent de demander à M. Bernard Jeannot, l’administrateur du Panthéon, la permission de faire fonctionner cette horloge. Imaginez le Centre des Monuments Nationaux (CMN) et sa réaction lorsqu’il apprit qu’un groupe s’était occupé de la rénovation d’un des monuments les plus beaux de Paris ?  Avouer et autoriser serait assumer son incapacité.  L’horloge mécanique ne fut donc jamais remontée, bien qu'elle soit à présent en parfait état marche.

Mais l’histoire ne s’arrête pas là. Le 24 décembre 2006, le « Mouse House » agit. Pendant qu’ils faisaient quelques essais de transmissions sur le lanterneau de l'édifice, ils demandèrent à M. Viot s’il pouvait remonter et mettre à l’heure cette horloge. Ni une ni deux, le soir même, l’horloge reprit son cycle. Le CMN qui avait demandé à ses employés de nier les faits fut mal en point quand le tic tac se fit entendre. Les faits furent relatés dans « Le Figaro ».

Mécontent de voir que les journaux révèlent leur incapacité face à un groupe d’amateurs, le CMN porte plainte contre « Untergunther ». Le 23 novembre 2007, la 29ème chambre du tribunal correctionnel de Paris ouvre le dossier. L’avocate du CMN réclame la somme de 48 300 euros pour cette restauration, affirmant que cette dernière avait engendré des dommages à une grille de passage à l’entrée, et d'autres broutilles.

La procureure Anne Benejean balaya d’un revers ces inepties et relaxa les membres du groupe « Untergunther » présent ce jour-là. À la sortie, aucune réponse de la part ne fut donnée par le CMN aux journalistes présents qui ne se gênèrent pas le lendemain pour pointer du doigt le ridicule du CMN dans leurs articles.

Depuis, silence… ils agissent par moments. On entend la police chercher ces « malfrats », mais sans succès.  Mais où sont-ils ?

3. Ne cherchez pas:


Ils n’utilisent pas les voix de la communication d’aujourd’hui. Pas de SMS ou de Facebook. Vous ne trouverez pas non plus de site internet. Ils ont des codes, des pseudo, changent souvent de cachette ou de lieu de réunion. Ils sont une ombre dans la nuit qui demande un sacré coup d’œil.  La police n’en parle pas (cela montrerait une fois de plus leur incapacité), le CMN fait taire l’affaire. On ne dit rien sur eux le temps de mettre la main sur eux. Ces grandes institutions attendent l’heure de se venger, mais comment saisir le vent quand on est incapable d’entendre sa musique ?

 
Alors, la prochaine fois que vous passerez devant le Panthéon, regardez l’horloge et ne vous demandez plus qui l’a fait, mais plutôt « où sera leur prochaine cible ? ». Réentendre une ville comme Paris revivre grâce aux mains des petits, n’est-ce pas la plus belle des révolutions ? N’y a-t-il pas un message derrière tout ça ? Réfléchissez la prochaine fois avant de suivre une institution, et écoutez plutôt le son de votre propre révolution. Apparemment, elle était et sera toujours de bon conseil.

Sources :
Wiki : http://fr.wikipedia.org/wiki/Urban_eXperiment
Article: http://labayonnaise.com/2012/01/26/urban-experiment-ux/
http://ugwk.org/Untergunther_Presse.html
http://www.lefigaro.fr/france/20070831.FIG000000064_dans_le_monde_secret_des_explorateurs_urbains.html
Livre : http://ugwk.org/2009-02-25_Kunstmann.html
Film : http://ugwk.org/2010-10-28_Pantheon_mode_d-emploi.html